lundi 8 septembre 2014

Non merci mais pas pour le moment


Non merci. Quoi ? Oui, vous avez bien lu: non merci. Et plus précisément: "non merci pour ce moment". C'est ainsi que certains libraires ont décidé d'accueillir les clients venus faire l'acquisition de l'ouvrage de Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment. Ils ont même été encore plus explicites et ont précisé: "Nous n'avons pas vocation à être la poubelle (ou) la machine à laver le singe sale de"… Ça rigole pas. Pas la moindre nuance de gris, cette fois. La ménagère SM a passé; l'ex est retenue à la douane.

Que se passe-t-il? Ras-le-bol passager? Crise existentielle? Chacun pensera ce qu'il veut de cette attitude pour le moins frondeuse, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle devrait faire réfléchir certains éditeurs, car derrière cette bronca qui ne s'est pas voulue médiatique, que les réseaux ont enflée, qu'on peut saluer ou réprouver, se cache (pas tant que ça…) un message assez clair, adressé au monde éditorial : Vous commencez à nous les briser menu avec vos sous-produits opportunistes, vos livres torchés, et surtout votre fâcheux penchant à compresser nos marges. Oui, car le libraire ne roule pas sur l'or, même quand Amélie ou Frédéric pond son œuf annuel. Le livre n'est pas un produit comme les autres mais le libraire, lui, est un humain comme les autres: il s'enflamme, s'agace, s'ennuie. Il aime parler des livres qu'il a lus plus que vendre ceux qu'il méprise. Question de tempérament.

Bon, à la fois, pas d'inquiétude, hein. Les libraires ne vont pas se mettre à jeter à la poubelle tous les faux livres que les éditeurs leur refilent, sinon ça serait l'hécatombe, et entre l'évidente nullité de certains livres et les ravages de la subjectivité, les rescapés ne seraient pas nombreux (je rappelle d'ailleurs que Grasset sort ces jours-ci le nouveau roman d'Alexandr— oups, non, rien, pardon).  Mais vous savez quoi? Les libraires (les vrais) ne prennent que les livres qu'ils veulent prendre, et dans la quantité qu'ils désirent. Il n'y a pas de refus de vente, car il n'existe pas d'obligation de placer Ils vous commanderont ce que vous voulez s'ils le peuvent. Mais ce sont eux qui décident ce qu'ils veulent. I repeat: This is not an épicerie.

Ouch. Les éditeurs vont-ils entendre le "message" ? Ce qui est sûr, c'est qu'on voit mal Amazon répondre aux one-click de commande par "Désolé, cette bouse n'est pas de notre ressort – signé Le service commercial". Qu'en conclure? Eh oui, le libraire est un être humain, il bosse comme une truite à contre-courant du consumérisme pour un salaire de goujon, ce n'est pas un barrage ravi d'avoir englouti trois villages. Il fait ce métier par passion, et qui dit passion dit aussi coup de gueule. Or, à force d'être traité comme un maillon faible (schbiiing!), lui qu'il assure tant bien que mal le rôle critique délaissé par le journalisme littéraire (car franchement il se démerde mieux que Transfuge), il arrive parfois au libraire de relever la tête de ses comptes et de ses lectures pour dire: Non mais oh stop, je suis pas un distributeur automatique. (Je ne fais pas l'apologie des libraires: Il y a des libraires cons, comme il y a des écrivains et des éditeurs cons, et ce ne sont pas les libraires qui me contrediront puisque la corporation nous permet un peu de décontraction.)

En disant non-merci-valérie, alors que que ce "livre" (pas d'autre mot?) aurait pu leur rapporter gros, ces libraires, avec humour et franchise, ont juste voulu interpeller des humains (avant leur transformation en consommateurs), afin qu'ils sachent qu'ici on prescrivait des lectures – on n'était pas juste là pour refourguer de la came médiatique. Il en allait et en va, de leur réputation. Ils sont persuadés qu'ils ne vendent pas des produits mais des livres, sorry.

Oui car:  Le livre est inquiétant; ce n'est donc pas un anxiolytique. Enfin je crois, j'espère. Je ne suis pas toujours d'accord avec les choix de mon libraire: c'est pour ça que je viens chez lui. On parle, on s'engueule, on trinque, on boude, on rit. Et vous savez quoi? Les libraires sont fous. Ils vont même assister aux rencontres dans les autres librairies. Ils lisent. Ils suivent les auteurs (ce que même les éditeurs ne font pas tout le temps). Ils ont autant de mauvaise foi qu'un écrivain (ouf) mais souvent plus d'heures de vol ou d'illusions perdues. Mes pires critiques viennent de libraires dont je veux bien être le parrain. J'en déteste certains; d'autres, je leur confie mes ignorances. Nous ne sommes pas forcément amis, mais on sait rire de ce qui nous fait pleurer.

Valeritrévilleur? Les libraires que je connais s'en foutent. Ils peuvent crever de faim bien mieux sans elle. Bon, il paraît que Juppé a fait ouvrir la librairie Mollat de Bordeaux plus tôt pour avoir son exemplaire. La fera-t-il fermer plus tôt pour empêcher qu'on vende sa biographie non autorisée par Dieudonné? Pom pom pom…

4 commentaires:

  1. Ah! Merci pour ce billet!

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  2. claro, yalblog qu'a ses vapeurs...

    je vais essayer de reécrire

    This is not an épicerie, et tant pis pour les épissefroids

    encore que je comprenne les ventes de 50 nuances de glauque
    (tant mieux si fa fait un peu de tunes dans la caisse)
    au fait a t'on les chiffres des ventes de boules chinoises ?

    Claro a raison, lisez Josipovici
    encore que cela ne vaut pas l'original de JSB (mais c'etait en musique)

    au fait ouitates vous les Goldberg de Uri Caine , 2 CD chez Winter & Winter – 910 054-2
    ça décoiffe un peu et risque de troubler les zoditeurs de france musique
    mais c'est la transcription (toujours en zikmu) similaire a celle en papier écrit de Josipovici





    – 910 054-2

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