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mercredi 21 juin 2017

Quand rien ne manque, le doute s'installe

Avant que paraisse La Disparition, avant donc qu’il devienne impossible que disparaisse son apparition, on se disait que la traduction c’était pratique, c’était une façon comme une autre de passer à autre chose, de laisser passer les choses.

C’était un peu comme ce jeu où l’on dispose des images sur une table, on les regarde un certain temps, puis on retourne les images, on fait semblant de réfléchir un moment, puis on retourne

une image

et juste après il faut en retourner encore une autre, qui est la même, enfin c’est une autre image mais c’est la même, et si on réussit alors on a fait un mariage, on a deux fois la même image, elles s’annulent, ou s’additionnent,

bref on a gagné, mais gagné quoi, ce n’est pas très clair,

souvent on de la chance,

(et parfois c’est notre mémoire qui a de la chance, mais ça on le savait déjà, la mémoire est une chance: plus on en a et plus on a de la chance, même si bien sûr on se souvient aussi de ce qui n’est plus,

c’est moins gai

certes

mais peut-être a-t-on de la chance de se souvenir de ce qui a disparu, ou alors c’est ce qui a disparu qui a de la chance qu’on s’en souvienne, disons que le jeu parfois est douloureux, et que ce qu’on gagne, c’est peut-être du temps.

Le fait est que ce qu’on cherche à voir dans la disparition de l’image, ce n’est pas l’image, c’est l’endroit où elle se trouvait, ou plutôt où elle se trouve, la place qu’elle occupait autant que celle qu’elle occupe une fois disparue.

Mais l’image, bien sûr, ne disparaît pas vraiment. Elle occupe toujours le même espace. Elle devient même cet espace. Enlevez-la, l’image, et il restera sa place. La place où était l’image occupera exactement le même espace que l’image. C’est pour ça qu’on a inventé les fantômes et les souvenirs, pour que les morts continuent d’occuper la même place.


mardi 16 juillet 2013

Quand Bon fantascope Proust


Ecrivains en bordée, c’est parti !
C’est demain mercredi qu’aura lieu l’inauguration de la manifestation littéraire « Ecrivains en bord de mer », manifestation de qualité qui se déroule chaque année à La Baule sous l’égide de Bernard et Brigitte Martin. Rendez-vous est donc pris, dans la fraîcheur de la Chapelle Sainte-Anne, où auront lieu nombre de… Stop ! On n’est pas là pour écrire des articles de journaux, hein. On préfère vous dire que, avant les discours officiels (dont on guette  avec impatience les incontournables métaphores sur plage et pavé…), auront lieu deux moments qui promettent. Tout d’abord, Jacques Roubaud lira des passages de son Ode à la ligne 29 des autobus parisiens, et concernant ce recueil nous renvoyons au post que nous lui avons précédemment consacré sur le Clavier. Ensuite, en avant-première, François Bon se livrera à une performance autour de 100 questions proustiennes. Pourquoi ? Parce que Bon vient de terminer un livre intitulé Proust est une fiction, livre qui sortira en septembre au Seuil dans la collection Fictions & Cie (titre qui nous ravit, d’autant qu’il nous rappelle celui de Robert Juan-Cantavella, Proust fiction, qu’a traduit Mathias Enard pour Lot49…). 

Le danger des livres sur Proust, c’est qu’ils vous donnent assez vite envie de les refermer pour replonger dans La Recherche. Grâce à Bon, on parvient à résister à la tentation, d’autant plus qu’il cite abondamment, au gré d’un découpage subtil, des passages du grand livre. Proust est une fiction n’est pas une fiction sur Proust, enfin pas vraiment, c’est plutôt, en cent blocs, une relecture de cette lecture écriture qu'est Proust, un réapprentissage de notre conscience et compréhension (et sensation) de l’œuvre proustienne, au prisme de ses lumières et de ses ombres.

Bon s’attache entre autres à la présence et l’émergence de l’objet nouveau dans la Recherche, tel que le téléphone, la photographie, l’aéroplane, la voiture, afin de mettre en relief une «poétique susceptible de se hisser à ces objets neufs, qui peuvent être considérés comme lui faisant violence ». Lire (et/ou relire) Proust à l’aune d’une fraîcheur et d’une pratique renouvelées : ce que fait Bon dans une langue en prise directe et empathique avec la rythmique proustienne. Revisiter, par exemple, le sacro-saint épisode de la madeleine autrement qu’en critique pâtissier ; recourir à la statistique pour faire l’appel des « poiriers » et des « voyageurs » au fil des pages ; permettre à Flaubert de nous rappeler qu’écrire c’est « construire notre possibilité d’erreur » ; distiller un parfum de pot d’échappement au tournant d’un chapitre (« odeur qui était comme un symbole de bondissement et de puissance » ;  revenir sur cette incroyable « extase raidie » que convoque Proust à l’heure des premiers décollages ; se demander pourquoi Venise et jamais New York…

Bon sait que revisiter une œuvre c’est tuer en soi le touriste distrait pour mieux qu’advienne machiniste, magicien, l’amoureux des méandres. Et de fait, Bon s’écoule au milieu de Proust afin d’en éprouver les alluvions et les reflets, il le tourne et le retourne sans jamais lui couper la chique, grâce à un compagnonnage qu’on sait ou sinon devine aussi fidèle qu’exigeant. Et Bon d’allumer pour nous la lanterne magique de cette œuvre aussi circulaire qu’infinie.

Et la fiction ? Oh, la fiction est là, et bien là, plus réelle qu’on ne la soupçonnait : vous apprendrez ainsi que Proust et Baudelaire roulaient dans la même voiture et pour la même cause ou presque, que le petit Marcel est sans doute le fils caché d’Isidore Ducasse, et que quand l’auteur de la Recherche danse, c’est avec Kafka, merci Federico.. Il faut parfois être Bon pour faire pousser les fleurs du mal à l’ombre de Combray et recréer, à force de connaissance et de conviction, la terrible intimité entre l’homme qui dort et celui qui meurt.

mardi 26 juin 2012

A cœur ouvert, c'est samedi !

SAMEDI 30 JUIN, à 19h, le festival Paris Cinéma vous propose d'assister à l'avant-première du dernier film de Marion Laine, À cœur ouvert, au MK2 Bibliothèque, en présence de la réalisatrice et des comédiens Juliette Binoche et Édgar Ramírez. Les places (6€) sont à réserver ici, sur le site de la Fnac. A cœur ouvert est le deuxième long métrage cinéma de Marion Laine, qui avait réalisé auparavant Un cœur simple. Le film est une libre adaptation du roman de Mathias Enard, Remonter l'Orénoque, paru aux éditions Actes Sud il y a quelques années, et qui ressort cet été. On pourrait vous dire que c'est l'histoire de deux chirurgiens du cœur qui s'aiment à la folie et d'une goutte qui fait déborder le vase de la passion. On pourrait vus dire qu'il y a, dans le film, une moto, des bonobos, une chute d'eau. Ou que le film a été tourné à Marseille et en Argentine. Que Binoche est royale et Ramirez superbe. Que la scène de la dispute est à tomber. Qu'on y entend la voix d'un certain chanteur défunt reprendre une certaine chanson qui parle d'embrasser pour oublier le temps en fuite… Mais le mieux, c'est que vous alliez voir le film samedi (s'il reste des places) ou lors de sa sortie. Et si vous voulez en savoir plus sur ce travail d'adaptation, aller au croisement du livre et du film, n'hésitez pas, si vous êtes dans les parages, à assister à la rencontre Laine/Enard pendant les rencontres littéraires de La Baule, les désormais incontournables Ecrivains en bord de mer, ça sera samedi 21 juillet à 20h30 – on vous donne le programme complet très bientôt.
Le film sort le 8 août en salles. Or c'est précisément le jour où vous avez décidé d'aller voir un bon film au cinéma. Comme quoi la vie est bien faite. Besame mucho, et sa chanson n'aura plus qu'un seul mot: aimer.
(Photo ©MK2 Diffusion – Marion Laine & Juliette Binoche)