Les lasagnes sont le plat préféré de Garfield (le chat, pas le président américain). Raison de plus pour les cuisiner, donc. On fera de préférence sa pâte soi-même, en sachant qu'un œuf par cent grammes de farine est la règle d'or (à température ambiante, sans oublier le sel, et en battant les œufs à la fourchette comme si vous aviez fait ça toute votre vie). La machine à laminer le pâton – qui est au rouleau à patisserie ce que l'ordinateur est à l'Underwood – fera le reste et vous permettra d'effectuer ce geste magique qui a quasiment disparu de nos existences pourtant fort mécanisées: tourner une manivelle. Qui, de nos jours, actionne encore une manivelle? Les voitures démarrent sur un sifflement, les puits se font rares, les orgues de Barbarie ont presque disparu, quant aux vielles à roue, je ne vous en parle même pas. Bref, l'homme a perdu le sens de la manivelle, et il est bon qu'un appareil l'assistant dans sa démarche alimentaire l'aide à retrouver ce geste qui naguère vous donnait l'impression que le monde tournait selon votre bon vouloir.
Concernant nos lasagnes, on conseillera d'insérer entre chaque étage tout ce qui vous semble bon et délicieux. De la ricotta, par exemple, en hommage à Pasolini. Du speck, en non-hommage au serial-killer Richard Speck (1941-1991); mais également des épinards, cette plante potagère popularisée par Catherine de Médicis et Popeye. De toute évidence une sauce tomate, si possible mélangée à de la béchamel (ou béchamelle, les deux orthographes étant admises, quoi qu'en pensent nos stupides correcteurs informatiques). Vous dégusterez le tout en songeant à la similitude troublante qu'il existe entre les lasagnes et les livres. Comme ça, la prochaine fois que vous ouvrirez un livre, vous vous paierez le luxe de saliver en sus.