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mardi 19 février 2019

Rencontre avec Jason Hrivnak

Mercredi 20 février, à 19h30, nous vous proposons de venir écouter et rencontrer Jason Hrivnak, auteur du Chant de la mutilation, son deuxième roman publié par les éditions de l'Ogre. La rencontre, où je l'espère vous rassure aucun lecteur ne sera blessé, aura lieu à la Librairie Charybde, 129 rue de Charenton, 75012 Paris.

Ayant eu la chance de traduire ce livre éminemment démoniaque, possiblement paranoïaque et très étrangement salutaire, je me permettrai d'être présent si mon train ne déraille pas (mais même amputé je viendrai, promis).

Pour vous donner envie de ne pas rester chez vous ce soir-là, voici ce que dit l'auteur de son livre:

"Ce n’est pas une fiction « classique », encore une fois, mais c’est complètement différent de La Maison des Épreuves. La question, la peur, qui me taraudait en écrivant ce livre était : comment une toute petite chose peut nous appâter, peut suffire à nous motiver pour vivre un jour de plus, et à quel point cette chose peut être petite. Est-ce que je marcherai sur du verre pilé pour une minuscule miette d’espoir, de chaleur ? Bien sûr, la réponse implicite à toutes ces questions est oui. Peu importe à quel point cette chose est petite, peu importent les obstacles qui barrent la route, vous allez essayer de l’obtenir quoi qu’il arrive. Alors ce livre est une sorte d’exercice : à quel point ce qui permet au personnage de survivre peut-il être minuscule ?"

Et puisque vous êtes du genre curieux, voici un extrait:

"Il n’avait pas encore pleuré, ce que je remarquai avec une certaine consternation, car il me semblait avoir réussi à le briser la veille, quelques minutes seulement après son réveil, le maintenant le temps qu’il me plaisait dans un état de désolation sanglotante. Je fermai les yeux et m’imaginai dominant les corps brisés de toutes les recrues que j’avais assassinées au fil des ans : les cadavres s’empilaient presque jusqu’à la taille autour de moi et, enfoui sous eux, un tiède filet de décomposition coulait comme de la soie sur mes pieds. Je tirai de la force de cette image et de l’idée que son corps rejoindrait bientôt cette cohorte, un nouveau débris sans valeur balancé sur le monticule moisi. Quand j’ouvris les yeux, la vision de ce carnage flotta un instant devant moi telle une brume musculeuse et à travers sa substance qui se dissipait, je le regardai grimper les marches menant à la surface du pont. Comme il franchissait la travée dans la pénombre du dépôt, je sentis une brève et délicieuse tension pareille à ce frisson qui précède le massacre, et une fois que l’obscurité l’eut complètement absorbé, je souris et inspirai profondément l’air pollué, car il se trouvait désormais sur mes terres. Je savais que si je lâchais sur lui les maux qui dansaient alors dans mon imagination, il ne durerait que quelques mois, six au plus, mais je trouvais néanmoins délicieuse la perspective de son imminente destruction. Appelez ça une mesure de mes propres obsessions, ma soumission à un idéal ténébreux. Si on me laissait faire, je purifierais ce programme de tout rythme, de toute modération et de toute périodicité et, au lieu de ça, soumettrais chaque recrue à un flot incessant d’horreurs. J’inventerais une offensive d’une éblouissante férocité – mieux vaut laisser les légions se tarir que d’admettre ne serait-ce qu’un candidat portant la souillure du banal – et les exterminerais toutes."






lundi 4 février 2019

Déformation confessionnelle: les démons d'Hrivnak


Il existait le bildungsroman, le roman de formation, illustré par Dickens, Fielding, mais aussi Flaubert, et Vallès, pour n’en citer que les plus fondateurs et novateurs. Jason Hrivnak aurait-il inventé un autre genre : le roman de déformation ? C’est ce qu’on vous invite à découvrir ce mois-ci avec la parution du Chant de la mutilation, de Jason Hrivnak, aux éditions de l’Ogre, quelques années après le troublant La maison des épreuves, paru chez le même éditeur.

Le chant de la mutilation : un démon s’empare d’un humain et entreprend de lui inculquer la déréliction afin que, délivré des tares humaines – compassion, tendresse, naïveté… – il puisse rejoindre les légions démoniaques et se livrer au mal avec une froide passion. Mais peut-être le narrateur n’est-il qu’un double schizophrénique de la jeune recrue ? Un double qui s’efforcerait de justifier le renoncement à l’humanité par tout un système philosophique digne du marquis de Sade, hors toute moralité. Le personnage principal sombre peu à peu dans une errance nocturne, peuplée de cauchemars, de rencontres avortées et de pensées délétères. Aspire-t-il vraiment à se soustraire à la lumière de l’existence ? Est-il la victime d’une entité maléfique ou est-ce juste sa folie qui l’a convaincu qu’il était manipulé ?

Pour l'écrivain Brian Evenson, auteur par ailleurs de La confrérie des mutilés (Lot 49, trad Françoise Smith),
"Fruit imaginaire des amours occultes de Georges Bataille et David Lynch, Le Chant de la mutilation de Jason Hrivnak est une méditation troublante et surréaliste sur les démons qui nous hantent et sur la nature du mal." 

Extrait:

« Il n’avait pas encore pleuré, ce que je remarquai avec une certaine consternation, car il me semblait avoir réussi à le briser la veille, quelques minutes seulement après son réveil, le maintenant le temps qu’il me plaisait dans un état de désolation sanglotante. Je fermai les yeux et m’imaginai dominant les corps brisés de toutes les recrues que j’avais assassinées au fil des ans : les cadavres s’empilaient presque jusqu’à la taille autour de moi et, enfoui sous eux, un tiède filet de décomposition coulait comme de la soie sur mes pieds. Je tirai de la force de cette image et de l’idée que son corps rejoindrait bientôt cette cohorte, un nouveau débris sans valeur balancé sur le monticule moisi. Quand j’ouvris les yeux, la vision de ce carnage flotta un instant devant moi telle une brume musculeuse et à travers sa substance qui se dissipait, je le regardai grimper les marches menant à la surface du pont. Comme il franchissait la travée dans la pénombre du dépôt, je sentis une brève et délicieuse tension pareille à ce frisson qui précède le massacre, et une fois que l’obscurité l’eut complètement absorbé, je souris et inspirai profondément l’air pollué, car il se trouvait désormais sur mes terres. »

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Jason Hrivnak, Le Chant de de la mutilation, traduit de l'anglais (Canada) par Claro, éditions de l'Ogre


mardi 10 janvier 2017

Dernier stratagème avant la fin du monde

                             

                             Jeudi 12 janvier, à 20h

La librairie Le Comptoir des Mots
(239 rue des Pyrénées 75020 Paris)

vous convient à une rencontre

avec Jason Hrivnak et Claro (son traducteur)

à l'occasion de la parution de

La Maison des épreuves
(éditions de l'Ogre)




« Ce livre a juste besoin d’une sorte de bandeau – dans les librairies, dans l’espace virtuel, n’importe où – indiquant ce qu’il a l’intention de faire : Je veux extirper de tes pires cauchemars quelque chose qui y est tapi et ne pourra plus jamais y être renfermé. » — Jason Hrivnak

« Première règle de La Maison des Épreuves : tout le monde parle de La Maison des Épreuves. Hrivnak écrit comme un ange déjanté et signe un premier roman aussi addictif qu’ahurissant. » — Lynn Crosbie


mardi 22 novembre 2016

Pas les mains vides

Avec votre permission (et même sans), je vais suspendre quelques semaines l'écriture de ce blog et me retirer (dans l'est, puis dans le sud, puis dans l'est, puis à Lisbonne…) afin de finir la traduction du Jérusalem d'Alan Moore (et perfectionner ma maîtrise des terrines). Mais je ne reviendrai pas les mains vides, foi de cannibale. Voici quelques informations concernant quatre ouvrages à paraître en janvier 2017, si tout se passe bien :



• Hors du charnier natal, mon dernier livre, aux éditons Inculte (le 4 janvier)


"Ayant décidé d’écrire la biographie romancée d’un anthropologue russe – un certain Nikolaï Mikloukho-Maklaï (1846-1888) –, l’auteur retrace le parcours de cet aventurier qui s’exila volontairement en Nouvelle-Guinée et finit par faire l’objet d’un culte étrange. Mais ce qui aurait pu donner lieu à un « petit bijou ciselé » prend vite avec Claro une autre tournure. L’entreprise littéraire vacille sous les heurts d’une voix soudain plus personnelle. S’engageant dans le récit comme si c’était une partie de roulette russe, Claro lâche le mort pour le vif et retourne sans vergogne l’auto-fiction contre elle-même."


Ciment, la structure est pourrie, camarade, une BD cosignée par Viken Berberian et Yann Kebbi, aux éditions Actes Sud (trad. Claro):

Au cœur de la capitale arménienne et de cette révolution architecturale, Yann Kebbi, et l'énergie monumentale de son trait, associé à l'humour absurde de l'écrivain Viken Berberian, dessine un portrait grotesque et terriblement réaliste de notre monde. — “Il faut tout reconstruire, terminés les vieux immeubles historiques, place au renouveau !”



• Animal Machine, d'Eleni Sikelianos, éd. Actes Sud (trad Claro)

Avec Animal Machine, Eleni Sikelianos rend hommage à Melena, sa défunte grand-mère, dans un texte saisissant à la frontière des genres, et raconte l’expérience poétique d’une femme qui a vécu aux marges de la société américaine. Richement illustré, ces mémoires sauvés du désert continuent de tisser le travail mnésique et poétique entrepris l'auteure avec son précédent opus traduit, Le Livre de Jon.





• La Maison des épreuves, de Jason Hrivnak, éd. de l'Ogre, (trad Claro)


Après le suicide de son amie d’enfance, un homme entreprend de poursuivre le carnet dans lequel ils avaient ensemble construit un monde imaginaire et terrible. À la fois lettre d’amour, tentative de rédemption et manuel de survie à nos pulsions autodestructrices, La Maison des Épreuves est un rêve fiévreux à ranger aux côtés de La  Foire aux atrocités de J. G. Ballard et de La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski. 























**** BONUS !!!! ******




Salam says hello


lundi 24 octobre 2016

Anti-manuel de suicide

Il y a à peu près six ans, j'ai reçu un bref roman écrit par un auteur canadien (anglophone), assorti d'une lettre où l'auteur me confiait la lecture et, espérait-il, la traduction de son livre. La requête était inhabituelle.

Le hasard (ou ma négligence – surtout ma négligence) a voulu que je range le livre non sur l'étagère des livres à lire mais quelque part, perdu entre divers lexiques et inutiles dictionnaires. Est-ce moi qui ai caché le livre ou le livre qui a préféré attendre que je sois prêt? Allez savoir. Le fait est qu'il y a quelques mois, lors d'une absurde velléité de rangement, je suis tombé dessus. L'auteur s'appelle Jason Hrivnak, et son livre The Plight House.

Je l'ouvre donc, étonné, et décide de le lire. Et aussitôt me voilà… subjugué. Embarqué. C'est un livre étonnant, et ce pour de nombreuses raisons dont je vous reparlerai si vous n'êtes pas sage. Il commence ainsi:
"Le 7 mai 2006 au petit matin, mon amie d’enfance Fiona est entrée par effraction dans l’école élémentaire qu’elle et moi fréquentions il y a plus de vingt ans. Elle était vêtue de couches de vêtements élimés et portait dans un sac en toile l’intégralité de ses biens terrestres. D’une indépendance farouche, d’une nature indocile, Fiona avait passé une bonne partie des dix dernières années à vadrouiller à l’étranger. Elle avait subsisté comme elle pouvait sur trois continents, toujours en quête des drogues les plus fortes et des plus sombres déshérités. Personne ne savait qu’elle était rentrée à Toronto. Je l’imagine à la fois embellie et accablée par cette absence de responsabilité, par l’effroyable liberté de celle qui s’endort là où elle tombe et dont les points de chute sont un mystère perpétuel."
Le narrateur du livre apprend, par le mère de Fiona, que celle-ci s'est suicidée. Elle fut son amie d'enfance, et surtout sa partenaire dans des jeux d'imagination déroutants, puisque tous deux avaient conçu un étrange endroit, où étaient conduites – en imagination – de retorses épreuves censées éprouver les sentiments des gens. Dès lors, le narrateur va imaginer, en hommage à Fiona, un livre, Le Livre des Epreuves, qui s'adresse à la fois au fantôme de Fiona et à tous ceux qui ont laissé un proche en finir avec la vie, afin de tester leur résistance au malheur, leur aptitude à la survie. Magnifique anti-manuel de suicide, le livre présente au lecteur, son principal allié, diverses situations, souvent incongrues, toujours pertinentes, et profondément poétiques, où il faut choisir, prendre position. 

Livre poignant jusqu'à la moelle, qui vous hante et vous soutient, La maison des épreuves nage à contre-courant des pulsions mortifères jusqu'au cœur même de la volonté de vivre. Oscillant au bord du vide, face au désastre de soi, le lecteur se voit convié à un jeu de piste mental qui ne souffre pas la feinte. Lire La Maison des épreuves, c'est entrer dans un labyrinthe, où seul compte le désir d'en ressortir moins seul, moins fautif, moins blessé. Une parabole? Une fable? Plus que cela: une expérience à laquelle il est impossible de se soustraire. (Et que j'inscris sans hésitation dans le top-ten des traductions qui m'ont le plus bouleversé.) (Ceci n'est pas un teaser, mais une sommation.)
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A paraître en janvier aux éditions de l'Ogre…