Les éditions Inculte ont eu la bonne idée de créer un site dédié à Jérusalem, le roman d'Alan Moore dont ils m'ont confié la traduction, roman de plus de 1200 pages qui sortira le 30 août 2017.
Je vous invite donc vous y rendre régulièrement, à en parler, à faire circuler l'adresse, etc. Ce site comporte plusieurs sections: vous y trouverez des articles de presse, des extraits traduits (pour l'instant, vous avez droit à un large extrait du premier chapitre), à des vidéos… et à un blog concernant la traduction en français de Jérusalem, blog que j'alimenterai régulièrement dès la semaine prochaine (en évitant les spoilers, rassurez-vous…) – quelques posts y figurent déjà, repiqués du Clavier Cannibale. En attendant que vous vous ruassiez(1) dessus, voici la présentation que j'ai écrite pour le Jérusalem d'Alan Moore:
Et si une ville était la somme de toutes les villes qu’elle a été depuis sa fondation, avec en prime, errant parmi ses ruelles, cachés sous les porches de ses églises, ivres morts ou défoncés derrière ses bars, les spectres inquiets ayant pris part à sa chute et son déclin ? Il semblerait que toute une humanité déchue se soit donné rendez-vous dans le monumental roman d’Alan Moore, dont le titre – Jérusalem – devrait suffire à convaincre le lecteur qu’il a pour décor un Northampton plus grand et moins quotidien que celui où vit l’auteur.
Partant du principe que chaque vie est une entité immortelle, chaque instant humain, aussi humble soit-il, une partie vitale de l’existence, et chaque communauté une cité éternelle, Alan Moore a conçu un récit-monde où le moindre geste, la moindre pensée, laissent une trace vivante, une empreinte mobile que chacun peut percevoir à mesure que les temps semblent se convulser.
Il transforme la ville de Northampton en creuset originel, dans lequel il plonge les brûlants destins de ses nombreux personnages. Qu’il s’agisse d’une artiste peintre sujette aux visions, de son frère par deux fois mort et ressuscité, d’un peintre de cathédrale qui voit les fresques s’animer et lui délivrer un puissant message, d’une métisse défoncée au crack qui parle à la braise de sa cigarette comme à un démon, d’un moine du IXe siècle chargé d’apporter une relique au « centre du monde », d’un sans-abri errant dans les limbes de la ville, d’un esclave affranchi en quête de sainteté, d’un poète tari et dipsomane, tous sentent que sous la fine et fragile pellicule des choses, qui déjà se fissure, tremblent et se lèvent des foules d’entités. Des anges ? Des démons ?
Roman de la démesure et du cruellement humain, Jérusalem est une expérience chamanique au cœur de nos mémoires et de nos aspirations. Entre la gloire et la boue coule une voix protéiforme, celle du barde Moore, au plus haut de son art.
(1) Si certains ne connaissent pas le verbe ruasser, qu'ils me le fassent savoirer.