L'affaire Tariq Ramadan n'en finit pas de délier les langues, mais pas nécessairement les cerveaux. On a ainsi pu lire dans la presse ce témoignage de Bernard Godard, ancien fonctionnaire des RG, et expert de l'Islam. Ça se passe de commentaire, à défaut de coups de pied dans le cul…
mardi 31 octobre 2017
samedi 28 octobre 2017
Les auteurs-artistes finalement entendus
On n'avait rien compris. On trouvait injuste cette hausse de la CSG qui allait diminuer notre pouvoir d'achat. Quand soudain, ça a fait tilt! Mais bien sûr! Le gouvernement, épris de culture, n'agissait pas à l'aveugle ni inconsidérément. Il cherchait à nous envoyer un message, confiant dans notre capacité à entendre l'inaudible, à voir l'invisible, à palper l'intangible. Oui, nous autres, auteurs-artistes, allons tirer profit de cette baisse de notre pouvoir d'achat! Qu'avons-nous besoin d'acquérir, de posséder, d'avoir, nous qui sommes entièrement voués à l'être? Moins nous pourrons acquérir, plus nous créerons. C'est d'une simplicité biblique. Après tout, nous ne sommes pas des acteurs sociaux, mais des saltimbanques marginaux. Pourtant, Dieu sait si on a essayé de s'intégrer, d'être bobo, de mettre un pied dans la mode ou la pub, d'écrire des scénarios, de devenir donneur d'opinions, de piger, de performer comme des pingouins, de réciter en publique façon cigale électrique. Mais le gouvernement nous connaît mieux que nous ne nous connaissons nous-mêmes. Il sait qu'en nous épargnant des allocations chômages il nous évite le triste destin du chômeur. Contribuez socialement et généralement à la baisse de votre pouvoir d'achat, nous dit-il, et vous en sortirez grandis!
Merci, donc, Macron et consorts, de nous avoir remis à notre place, sur ce confortable strapontin en bout de rangée. Heureusement, on nous promet des compensations, des petits gestes. Une petite résidence par ci, un petit prix littéraire par là. Francfort nous fête, la médiathèque de Poulignac-les-Soublettes nous invite. Oui, à nous la reconnaissance, les lauriers, avec le thym, va, tout s'en va. Qui sait? Peut-être finirons-nous par convaincre notre épicier de nous filer des raviolis en échange d'un sonnet ou d'un chapitre, façon Picasso ? Un pouvoir d'achat? Pour quoi faire? Pour acheter du pouvoir? Pas notre genre.
Alors pourquoi nous plaindre? Nous touchons quand même parfois jusqu'à deux mille euros pour un livre qui nous a pris deux ans de travail. Nous percevons dix pour cent sur les ventes d'un livre qui ne se vend pas et deux pour cent sur une traduction qui passe inaperçue. Nous cotisons pour une retraite somptueuse qui nous permettra enfin de travailler au noir. Non, franchement, tout ça est pour le mieux. On est même prêt à payer un ISF spécial – un impôt sur le sens de la farce. C'est pour dire.
vendredi 27 octobre 2017
Le doigt d'honneur du gouvernement aux auteurs-artistes
Quand Sabine Rubin (LFI) propose un amendement demandant à ce que la catégorie des auteurs-artistes ne subissent pas la hausse de la CSG, puisque celle-ci n'est pas compensée par une baisse des cotisations sociales, l'hémicycle se prélasse dans un somptueux mépris, et la voix froide du rapporteur lâche un "avis défavorable" sans appel. L'amendement est rejeté purement et simplement. Après tout, ces "auteurs-artistes" ne contribuant pas et ne bénéficient pas des allocations chômages, on ne peut pas dire qu'ils existent socialement parlant, non? Et puis, ils ont choisi de créer, hein, personne ne les a forcés…
A défaut du président Macron, peut-être que la ministre de la Culture, Madame Françoise Nyssen, pourrait-elle expliquer aux auteurs-artistes en quoi ce mépris et cette indifférence sont des preuves de l'importance soi-disant accordée par le gouvernement à la culture. Mais peut-être sommes-nous sourds, et n'entendons pas que l'expression "en marche" sous-entend le verbe "piétiner"?
Ecriture inclusive: quand tonnent les tricornes
Il n’est pas question ici d’aborder
la question de l’écriture inclusive, mais plutôt de s’interroger sur la
réaction « solennelle » des membres de l’Académie française, lesquels
viennent de publier un communiqué, ou plutôt une « déclaration »,
afin de faire savoir tout le mal qu’ils (ou elles ?) pensaient de ladite
écriture inclusive. On ne s’attardera pas sur les raisons invoquées
pour mettre en garde contre son application. En revanche, on notera deux points
intéressants. Tout d’abord, nos éclairé.es académicien.nes, bien qu’éclairé.es, « voient
mal l’objectif poursuivi », et comment cet objectif – non précisé
dans leur déclaration – pourrait faciliter l’apprentissage du français. En
outre, on notera que dans leur texte on ne trouve à aucun moment un seul terme
évoquant, même de façon purement lexicale ou périphérique, la question de l’égalité
hommes/femmes. Pas une seule fois les mots égalité, parité, femme, féministe, genre, domination linguistique… Non, l’écriture inclusive dont il est fait ici
mention semble se heurter à une pensée éminemment exclusive. La seule
problématique envisagée par l’Académie est celle de l’acquisition d’une langue
– comme si la langue était un bien, un produit – et de son usage – comme si
etc. L’écriture inclusive est considérée comme cause d'un « redoublement de
complexité » – ce qui au final servirait d’autres langues (l’anglais de
Shakespeare ?) qui, n’ayant pas de problème de genre identique, en profiteront
« pour prévaloir sur la planète ». My tailor is a bitch, quoi.
Aveuglement, déni, paranoïa,
étroitesse d’esprit ? Rien de tout cela. L’inquiétude des Académiciens est
réelle, immense : selon eux (elles ?) la langue française est « en
péril mortel ». Mortel ?
Mortel, comme dans coup mortel ? comme dans violence conjugale ?
comme dans viol ? Non, mortel comme dans ouh-là-la. Peu importe les
raisons qui motivent l’émergence ou l’application de l’écriture inclusive. Peu
importe que la langue, creuset de conscience, véhicule en son sein même le
patron de la domination masculine. Non, le péril est mortel. La langue, aussi,
donc. Une goutte de féminin et voilà l’océan linguistique pollué ! La
langue serait alors « désunie ». Comme scindée. Fendue ? L’Académie
rappelle par ailleurs sa mission : codifier les innovations de la langue.
Le Larousse définit ainsi le verbe « codifier » : normaliser. Mais
ici, normaliser une innovation revient en fait à la refuser et la nier en bloc. Alerte Jument de Troie!
La langue inclusive n’a pas fini
de faire débat. Elle a pour l’instant le mérite d’obliger les gardiens du
temple à se positionner clairement. Où va-t-on, se demandent ces derniers
(dernières ?) si l’usage ajoute à la langue « des formes
secondes et altérées » ? Le féminin pluriel de ces termes résonne
péniblement, et nul doute pour que certains hommes les femmes sont, ni plus ni
moins, des « formes secondes et altérées ».
jeudi 26 octobre 2017
Doute, voracité, contrechamp, viscère et désamour
Et hop, c'est reparti comme en 17 ! Voici un petit rappel des derniers livres explorés dans mon Feuilleton du Monde des Livres depuis le 29 septembre — tous ces titres sont encore en librairie et à la vente moyennant des euros, vous pouvez également les commander à votre libraire adoré.e qui apprécie que vous preniez le temps d'attendre plutôt que one-clicker sur Amazon, bref, faites vos emplettes…
6/ Moins célébré qu’Elias Canetti, parce que sans doute plus humble, et moins acerbe que Thomas Bernhard, car habité par un doute socratique, Max Frisch partage avec ces deux écrivains un goût prononcé pour ce précieux mécanisme intellectuel qu’est la méfiance, et a par ailleurs toujours pris soin de dire ses quatre vérités à son pays, moins pour le rabrouer que pour se garder d’une trop facile neutralité.
7/ « Mon père me regardait avec voracité », écrit l’auteure anonyme de Jours d’inceste, abusée jusqu’à l’âge de 21 ans par cet homme dont elle est la viande permanente, la poupée poignardée, contrainte de vivre avec un désir-dégoût du père qu’elle doit garder pour elle –
6/ Moins célébré qu’Elias Canetti, parce que sans doute plus humble, et moins acerbe que Thomas Bernhard, car habité par un doute socratique, Max Frisch partage avec ces deux écrivains un goût prononcé pour ce précieux mécanisme intellectuel qu’est la méfiance, et a par ailleurs toujours pris soin de dire ses quatre vérités à son pays, moins pour le rabrouer que pour se garder d’une trop facile neutralité.
7/ « Mon père me regardait avec voracité », écrit l’auteure anonyme de Jours d’inceste, abusée jusqu’à l’âge de 21 ans par cet homme dont elle est la viande permanente, la poupée poignardée, contrainte de vivre avec un désir-dégoût du père qu’elle doit garder pour elle –
8/ Jérôme Game a pris soin de placer une phrase de Godard en exergue de son livre: «Champ. Contrechamp. Imaginaire, certitude. Réel, incertitude.» On comprend mieux. Qu’estce qu’on voit exactement? Juste un texte? Non. Un texte juste.
9/ Dans ce roman autobiogreffé, ponctué de rêves éloquents, d’allers-retours entre la France et le Québec, se joue un drame secret, celui d’une femme, Béatrix Beck, profondément empêchée, éprise d’intangible, et qu’intimidait jusqu’au viscère du coeur.
10/ Jim Shepard a réussi ce petit miracle : feindre de traiter l’anecdotique et le pyrotechnique pour nous livrer une poignante et impeccable sonate d’automne, où le désamour paternel, l’insatisfaction conjugale et l’angoisse de la perte forment les coordonnées sismiques d’un drame personnel mais non moins ravageur.
mercredi 25 octobre 2017
La nature des choses
Le temps du
presse-papier
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Ayant pour ainsi dire contribué à la gloire du verbe
« trôner », et semblant vouloir lutter à lui tout seul contre les
vents de l’adversité, il incarne pourtant, à son acier ou son verre défendant,
l’intolérable inertie que nous ont léguée nos aïeux, ces calmes bourreaux.
Profondément inutile en toute logique mais hautement symbolique pour ce qui est
de sa capacité à représenter le droit et sa pondérale puissance, le
presse-papier a l’air de défier l’enfant : auras-tu la force, l’audace,
l’idée de t’en emparer et de l’envoyer voler ? de l’envoyer fendre la
stratosphère du bureau patriarcal dans l’espoir qu’il finisse sa course au beau
milieu du lieu où ont germé les origines de son arrogance : sur le front,
vite fendu, de l’éternel ministre assigné à ta croissance ?
dimanche 22 octobre 2017
Moore, les zeugmas et le cirque danois
© angelarts |
Suite et fin du Galaxy Moore Tour 2017… Cette fois-ci, la caravane des Incultes s'arrête pour quelques heures à la libraire Zeugma à Montreuil pour présenter le énormonumental Jérusalem d'Alan Moore. La librairie Zeugme est toute récente, aussi nous vous demandons de l'applaudir très fort. On va même vous donner l'adresse, tiens: 5 bis avenue Walwein, 93100, Montreuil. Et l'heure, tant qu'à faire: 19h30. Ah oui, et le jour aussi, ça peut servir: ça sera jeudi 26 octobre. On espère que les personnes qui viendront seront là.
J'en veux un peu quand mêmes aux libraires de Zeugma. Ils sont allés fouiller dans ma vie privée pour établir ma bio et se sont donc livrés à des révélations assez gênantes. Mais bon, maintenant que c'est sur internet, je n'y peux rien. Alors autant vous faire part de leurs recherches:
"Claro, est né pour la première fois en 1666, à la seconde où se déclencha le grand incendie de Londres, il fut donc considéré toute sa vie comme une figure démoniaque, un cannibale. Dans sa seconde vie exerça la dure profession de coupeur d’allumettes. Si la grande Histoire l’oublia bien vite, des traces résiduelles de son existence peuvent être retrouvée dans le folklore littéraire à travers notamment la figure de la petite fille aux allumettes. Il fut successivement, dans ses existences suivantes, dresseur de mouches pour un cirque danois, trieur de grains de sable aux Bahamas, et pousseur de balançoires dans le premier parc d’attraction américain. Sa dernière naissance date du 14 mai 1962. Il est aujourd’hui écrivain, traducteur et éditeur français. Même s’il ne garde que peu de souvenirs de ses vies précédentes, il garde de son passé une prolifique imagination et une connaissance toute instinctive des langues. Dans le supplément littéraire du journal Le Monde (12/10/2016) certains journalistes affirmèrent que Claro disparaitrait chaque nuit de pleine lune, des proches interviewés ont même avoué qu’ils ne seraient pas surpris d’apprendre que l’auteur serait en réalité un chat garou, mais aucune preuve n’a jusque-là pu confirmer ces propos si ce n’est son amour pour les pelotes de mots intraduisibles."
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