Affichage des articles dont le libellé est Brice Matthieussent. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Brice Matthieussent. Afficher tous les articles

vendredi 4 septembre 2015

Morges profonde, what else?

Ce week-end (et même aujourd'hui, tiens), je serai à Morges, à l'occasion de la manifestation littéraire Le livre sur les quais. Pour ceux et celles qui s'y trouveront et souhaiteront m'y croiser, je participerai à deux rencontres le dimanche.
Mais tout d'abord le samedi, après une mystérieuse rencontre sur un bateau à 11h avec de mystérieux inconnus invités mystérieusement (je ne peux en dire plus, n'en sachant pas plus…),  je passerai un peu de temps l'après-midi derrière une table sur laquelle seront posés des livres que j'ai écrits, ce qui me changera de toutes ces heures passées derrière une table sur laquelle est posé l'ordinateur sur lequel j'écris des livres. Plus sérieusement, on vous recommande les trois rendez-vous suivants:

Le samedi, à 16h15: projection du film de Marion Laine, A cœur ouvert. Rencontre et débat animés par Stéphane Gobbo, avec Mathias Enard et Marion Laine après le film. (VF, 1h28). Cinéma, mode d'emploi - Odéon (135 min.)

Le dimanche, à 11h:  Parole de traducteur – Traduction. Entre vengeance et cannibalisme
Avec Claro et Brice Matthieussent. Rencontre animée par Camille Lüscher – Sainte-Jeanne (75 min.)

Le dimanche, à 15h:  Table ronde – Les temps modernes – Avec Claro, Alexis Jenni, Pierre-André Milhit. Rencontre animé par Catherine Pont-Humbert – Grenier bernois (75 min.)


samedi 12 décembre 2009

Vollmann Yes, Vollmann Nô

Alors que trône encore sur la table de chevet le monumental Imperial de William T. Vollmann publié par Viking cet été, exploration méticuleuse, obstinée, polychromatique de la zone frontalière USA/Mexique, auquel il convient d'adjoindre le non moins splendide livre de photos au titre éponyme sur le même sujet, publié par powerHouse Books, voilà que se profile déjà un nouvel opus – le vingt et unième… – de cet écrivain américain dont aucun éditeur français ne voulait entendre parler au milieu des années 90, avant que Brice Matthieussent décroche son téléphone pour me dire que, oui, ça l'intéressait, et qu'il allait le publier chez Christian Bourgois. L'occasion d'un retour en arrière, donc, sur l'histoire d'une difficile implantation outre-atlantique…
A la fin des années 80, je tombe par hasard, dans une librairie londonienne, sur les Rainbow Stories de Vollmann, attiré par la résonance pynchonienne du titre. La fascination est immédiate et j'achète peu après son premier roman, encore inédit en français, You Bright and Risen Angels. Mais je n'ai alors traduit que deux romans – Kilomètre Zéro de Thomas Sanchez et Le Courtier en Tabac, de John Barth [qui ne paraîtra que dix ans plus tard, mais c'est une autre histoire…] – et ne sais trop comment m'y prendre pour imposer cet auteur. Lui-même est publié d'abord en Angleterre par Andre Deutsch, et il faudra la ténacité de l'éditeur américain Paul Slovak, pour que Viking porte à bout de presses son œuvre prolifique.
Commence alors une drôle de guerre. Je traduis des extraits, les envoie à divers éditeurs, prends des contacts – en vain. Un jour, par l'agent de Vollmann, Susan Golomb, j'apprends que Balland a acquis les droits de ces deux premiers titres. Je commence alors la traduction de You Bright pour Balland, mais trois mois plus tard Balland est contraint de mettre la clé sous la porte. D'autres projets m'accaparent, même si de temps en temps je tente de "fourguer la came Vollmann". Personne ne veut entendre parler de l'ami Bill, qui entre-temps écrit, écrit, écrit… Enfin, un jour, Brice Matthieussent m'appelle, suite au dossier que je lui ai envoyé sur Vollmann. Du temps a passé, du temps passe encore, et il faut attendre 1999 pour que paraissent chez Bourgois Des putes pour Gloria et Treize Récits & Treize Epitaphes. L'année d'après sera publié Les récits arc en ciel. Puis Bourgois connaît des difficulté financières et jette l'éponge en voyant arriver sur son bureau la pachydermique Famille Royale. Tout est à recommencer. Il faudra s'armer de patience, une fois de plus. C'est alors que je fais la connaissance, lors d'un débat sur la traduction avec l'incroyable André Marcowicz, de Marie-Catherine Vacher, éditrice chez Actes Sud. Elle me reçoit la semaine qui suit dans son bureau de la rue Séguier, m'écoute lui présenter plusieurs projets de traduction qui me tiennent à cœur (Vollmann, bien sûr, mais aussi Mulligan Stew et Le Tunnel, entre autres curiosités…) et me rappelle dix jours plus tard pour me dire que, oui, La Famille Royale, c'est un grand livre, on va le faire, on va enfin imposer Vollmann.
A dater de ce jour, l'ami Bill a trouvé sa place parmi ses contemporains traduits, il a remporté le prestigieux National Book Award (mais un seul prix littéraire en France à ce jour, pour Poor People) et d'autres éditeurs prêtent main-forte pour diffuser son œuvre (Tristram, Lot49), d'autres traducteurs s'y attellent vaillamment (Jean-Paul Mourlon, Bernard Hoepffner…).
(Je garde des souvenirs incroyables de chacune de mes rencontres avec Vollmann. La première fois, je lui avais offert un exemplaire des Chants de Maldoror, publié par Guy Levis Mano, et lui, en échange m'avait demandé si je voulais bien lire ses prochains textes. Et comment! Je revois encore Vollmann me tendre une enveloppe contenant… dix-sept disquettes. L'intégral de The Royal Family and de Rising Up and Rising Down! Deux imprimantes ont fini par y passer mais j'ai longtemps gardé ces incroyables manuscrits près de mon bureau. Autre souvenir: les mêmes flics nous arrêtant une deuxième fois près de Barbès alors que Vollmann essaie de convaincre un travelo de se laisser dessiner… Vollmann et moi aux objets trouvés dans l'espoir de remettre la main sur un cahier de dessins qu'il a perdu dans le métro après avoir fait un malaise… Vollmann en tee-shirt jaune canari lisant au Village Voice, à son retour de Sarajevo, ses bagages ayant été perdus par la compagnie de vol… La liste serait longue.)
Le 4 février, donc, on pourra découvrir chez Actes Sud un nouveau texte de Vollmann, Etoile de Paris, encore inédit aux Etats-Unis. En attendant la parution, donc donc donc, de son vingt et unième livre aux USA, le 6 avril 2010, chez l'éditeur Ecco (celui qui a déjà publié la version "light" de son livre sur la violence). Un essai de 528 pages intitulé Kissing the Mask: Beauty, Understatement and Femininity in Japanese Noh Theater, with Some Thoughts on Muses (Especially Helga Testorf), Transgender Women, Kabuki Goddesses, Porn Queens, Poets, Hou.
Avec Vollmann, on a toujours l'impression que l'aventure ne fait que commencer. Actes Sud a acquis les droits de Riding Toward Everywhere, son récit sur les hobos. Lot49 a encore quelques volumes des Seven Dreams dans sa ligne de mire. Il est question de publier un jour son premier roman, You Bright and Risen Angels. Une coédition Inculte/Lot49 pour un Face à Vollmann, comme nous avions fait Face à Pynchon, est en gestation.
William T. Vollmann n'en est apparemment qu'aux balbutiements de son œuvre – cinq livres l'occupent parallèlement en ce moment…