Est-ce l'influence du cinéma, qui veut que les sorties de films soient inéluctablement associées à des ribambelles de chiffres (nombre d'entrées, de jours à l'affiche, coûts de production, salaire des acteurs…)? Est-ce l'envie de parler d'autre chose que de littérature? Le fait est que, de plus en plus, les journaux nous bassinent avec des données chiffrées au lieu de nous parler des livres. Plus de romans (+), moins de romans (-), plus de premiers romans (+), moins d'essais (-), 3% de livres avec des titres comportant un verbe, 6,4% de romans qui font la part belle aux animaux, 44% de livres avec des couvertures plutôt bleues, etc.
Ainsi, on a pu lire récemment (dans MetroNews, pour ne pas le citer) l'information suivante:
(En attendant, continuez à faire l'amour et à lire, c'est bon pour le karma.)
"La rentrée étrangère enregistre une baisse de 3 % avec 195 traductions contre 201 il y a un an."Dingue. Il y a un type chez MetroNews qui s'est amusé à soustraire 195 de 201 (bonjour Einstein) et à calculer ce que ça faisait en pourcentage de moins (allô la bourse). Six livres de moins et hop ! tout de suite une statistique, dont franchement on ne voit pas ce qu'elle indique, sinon que l'édition n'est pas encore assignée à un quota de production. Quand ce genre d'infos figure dans Livres Hebdo, l'hebdo professionnel, on comprend, mais quand elles sont reprises ou singées dans des organes de large diffusion, on reste pantois. Ce besoin compulsif de ramener des productions de l'esprit à des données objectives ne signale en fait que le désistement intellectuel d'une certaine presse dès lors qu'il faut rendre compte des livres – et sa fascination pour une conception boursière des produits culturels: comme s'il existait un mystérieux Nasdaq de la chose imprimée. On va finir par croire que l'art est aisé et la critique difficile. Ah, au fait, saviez-vous que 100% des posts publiés sur ce blog sont publiés sur ce blog?
(En attendant, continuez à faire l'amour et à lire, c'est bon pour le karma.)