Ce blog traîne un peu la patte, il est vrai, mais j'ose croire que c'est pour la bonne cause. Relecture des épreuves du Jérusalem d'Alan Moore (on vous invite d'ailleurs à faire quelques tours de manège sur le site consacré au roman, où je poste régulièrement depuis quelque temps sur la traduction de ce monstre); traduction d'un incroyable roman de Michael Cisco, intitulé Animal Money, pour les éditions Diable Vauvert (un truc bien fou qui me permet de renouer avec le Diable comme au temps béni de l'Habitus de James Flint — et Cisco souffle, avec Blake Butler, un vent faramineux sur la littérature américaine ); et surtout la phase deux de l'écriture d'un roman au long cours, commencé si j'en crois mes carnets, le 18 décembre 2014.
Oui, après deux ans et demie de prises de notes, de recherches, de tâtonnements structurels, d'esquisses volantes, de gamberge incessante, le livre a atteint sa masse critique, et je peux enfin m'y consacrer en sachant où je vais. L'entrée en écriture proprement dite est toujours un moment crucial, le terrain a été balisé, les grandes routes tracées, les petits sentiers dessinés, mais surtout on a attendu que le livre révèle son fonctionnement secret, c'est-à-dire la façon dont il souhaitait être écrit.
Non pas appliquer une méthode d'écriture à un livre, mais brasser des matériaux, des idées, des franges de proses, laisser le tout infuser longuement dans la cave du cerveau jusqu'à ce qu'apparaisse une "façon" de traiter l'organique accumulé. Importance de laisser un projet en cours vous surprendre: ainsi, on sera contraint de faire vibrer davantage les choses, d'éviter la complaisance d'écriture, de travailler la phrase autrement.
(De quoi va parler ce livre? La question n'est pas là. Je pourrais le résumer en un "pitch" qui n'avancerait personne: la rencontre en Haute-Marne d'un ectoplasmologue et d'une crytpo-abductée. Piratant Sartre, je pourrais également dire que la mort est un moulin. Il n'y aurait plus qu'un pas à faire pour convoquer Don Quichotte.)
Mais je n'oublie pas la vocation de ce blog et m'efforce de poursuivre l'aléatoire labyrinthe des lectures. Les livres s'empilent au chevet, telles des bûches avides d'étincelles.
Je pars quelques jours au vert avec de chouettes fagots (Une fuite en Egypte de Philippe De Jonckeere, éd. Inculte, dont la ponctuation relève il me semble l'incroyable pari d'être constituante d'une esthétique de la perte; Chansons du seuil, de Peter Gizzi, éd. Corti, traduit par l'indispensable Stéphane Bouquet ; Je rêve que je vis? Libérée de Bergen-Belsen, de Ceija Stojka, aux éditions Isabelle Sauvage, traduit par Sabine Macher ; Thanathea, d'Ivan Divis, que publie La Baconnière, adapté par André Ourednik).
… Et voilà que je reçois, des éditions Othello, excroissance des éditions Attila, le magnifique Spoon River, d'Edgar Lee Masters, que je rêvais de retraduire mais dont s'est chargé haut la plume le collectif General Instin. Ainsi que Honky Zombie Tonk, de Henning Wagenbreth, traduit par Jörg Stickan (Attila), une petite furie violente en couleurs; et tant qu'à faire, le mythique GEnove, villes épuisées, de Benoît Vincent, là encore chez Othello.
PS: Et quant à l'illustration numéro un de ce post, eh bien, si vous n'avez pas vu le film, n'hésitez pas. Ma Loute forever. Pour le côté cannibale, vous comprendrez assez vite…