En 2007, le collectif Inculte faisait paraître un ouvrage intitulé Devenirs du roman qui s'efforçait de penser la fiction contemporaine au prisme d'un certain nombre de ses voix (Emmanuel Adely, Stéphane Audeguy, Éric Chevillard, Maylis de Kerangal, Yves Pagès, Antoine Volodine, etc.). Sept ans (de réflexion) plus tard, et à l'occasion des dix ans du collectif (désormais également une maison d'édition à part entière), nous avons voulu réitérer l'expérience mais en abordant la question par un aspect plus précis, celui de l'écriture des matériaux. Nous avons donc demandé à une vingtaine d'écrivains de s'exprimer librement sur cette question, sur leur pratique, leur façon d'interroger les archives, sur leurs stratégies de détournement, etc.
Devenirs du roman, 2 qui paraître le 10 avril – mais qu'on pourra découvrir (et se procurer) demain en avant-première mondiale (et galactique, probablement) au Salon du Livre sur le stand Inculte (C63) – regroupe les interventions des écrivains suivants:
-->-->Emmanuel Adely – Vincent Message – Emmanuelle Pireyre – Anne Savelli – Olivia Rosenthal – Christian Garcin – Mathieu Larnaudie – Philippe Artières – Thomas Clerc – Christophe Pradeau – Arno Bertina – Oliver Rohe – Maylis de Kerangal – Joy Sorman – Hélène Gaudy – Patrick Beurard-Valdoye – Marie Cosnay – Philippe Vasset – Claro – Hélène Ling – Nicole Caligaris – Jakuta Alikavazovic – Tristan Garcia et Charles Robinson.
Au fil des interventions se dégage une même méfiance non pour le réel mais pour son reconditionnement à l'échelle littéraire, son traitement au service d'une fiction, traitement qui bien sûr a changé avec le temps et l'intervention de nouvelles modalités narratives et informationelles (les séries, les réseaux sociaux, l'info en continu, etc). Les "matériaux", on le verra, génèrent d'eux-mêmes une résistance à laquelle l'écrivain se confronte, et qui lui permet, par un effet de vibration, de complexifier et distancer son rapport au réel. Question d'éthique, question technique, mais aussi jeu, ruse et plaisir. Le roman est-il mort, rongé de l'intérieur par le virus de l'information? Est-il plus vif que jamais, secoué par l'électrique télex du réel? Comme le dit Charles Robinson à la fin du volume, dans un texte décapant, confrontant roman et zombie :
"Depuis qu’un rapport d’autopsie a formellement constaté la mort du roman, force est de constater que la bête bouge encore.C’est chouette, dit quelqu’un.Comment tu peux dire ça ? Tu penses à ceux qui se sont fait bondir dessus par une de ces saletés, dès la troisième ligne puanteur des entrailles XIXe siècle, naturalisme décomposé, la prosodie-cocote t’asphyxie, la quatrième de couverture se colle à tes mains, et c’est fini, terminé pour toi, c’est ça que tu veux, ose le dire : ose dire que tu souhaites la lecture de ça à tes enfants."