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vendredi 5 juin 2015

Festival Terre de Paroles: stimulation manuelle et galeries d'hésitation

Depuis le 26 mai a lieu le festival Terre de Paroles, qui s'achèvera dimanche. Ça se passe en Normandie, dans plein de lieux différents. J'y serai samedi pour une soirée de lectures à teneur érotique. Ça aura lieu dans la ville de Louviers, dans la salle Le Moulin-Cave.

Pour commencer les réjouissances, le comédien Bruno Putzulu lira à 20h30 des extraits de mon dernier livre paru, Dans la queue le venin (éd. de l'Arbre Vengeur).

Puis, à 21h30, après avoir vérifié que les enfants sont couchés, je me livrerai à une lecture un peu particulière, puisqu'il s'agira d'un "montage" de textes érotiques – et plus si affinités… –, dont j'aurai pris soin de masquer les coutures, des textes venant d'horizons littéraires ou para-littéraires très divers. Sans dévoiler quoi que ce soit, sachez qu'il sera question d'audacieuses phalanges, de larcin d'amour, de vulve des chèvres, de magnifique priape, de stimulation manuelle et de galeries d'hésitation… Pour le détail des opérations, c'est ici et . Allez, je vous donne même le texte de présentation que j'ai concocté en guise d'aguiche-langue:
"L’érotisme d’un texte est son secret le mieux gardé. Gît-il entre les lignes, dans ce qu’il décrit et célèbre, cache et insinue ? Sa présence n’est-elle sensible que dans la façon dont l’auteur « titille » le lecteur ? Est-ce l’objet représenté qui est érotique ou le style dans lequel il nous est offert ? La présente lecture, par l’assemblage de textes en apparence hétérogènes, aimerait faire cohabiter, dans un même mouvement, le sexe assumé et l’érotisme instinctif. En mêlant divers extraits – littérature de gare, discours scientifiques, grands textes ardents, etc. – on donnera donc à entendre ici le chant tantôt troublant, tantôt comique, de la chair livrée aux élucubrations de l’imagination."
Cette lecture sulfurieuse [sic] sera suivie d'une rencontre animée par Tâm Tran Huy, journaliste à Public Sénat. Donc, ce week-end, si vous êtes dans le coin, n'hésitez pas: venez faire monter le mercure à Louviers et redécouvrons ensemble l'étymologie facétieuse du mot "canicule".

 

lundi 1 juin 2015

La lecture, ce pluriel


Le plaisir du texte : l’expression appellerait le pluriel, tant sont multiples les sensations provoquées par la chose écrite, des sensations qu’on n’hésitera pas à qualifier de « passions », au sens spinoziste, dans la mesure où elles visent à accroître la force d’existence du corps. Efforçons-nous d’en dresser une liste non exhaustive puisque nous sommes lundi et qu’étymologiquement c’est le jour de la lune. Hum. Lune. Plaisir. J’espère que vous suivez.
a)     plaisir par anticipation — le texte attendu, dont on a déjà commencé à jouir, et dont les forces semblent concentrées dans l’instant guetté de sa parution (souvenirs vifs de faire le pied de grue devant la librairie Autrement Dit qui ouvrait à 10h afin d’acheter le nouveau Deleuze ou le nouveau Guyotat…). Ce plaisir prend le risque de la déception mais il tient de la parousie ;

b)    plaisir syntaxique — la sensation d’une aventure, comme si le sens devenait tout entier direction, et que chaque pronom relatif, chaque incise créaient des « holzwege » ; le plaisir naît alors d’une extrême concentration doublée d’un pur abandon (Proust, Simon…) ;

c)     plaisir herméneutique — quand tout soudain vous échappe, qu’on perd le fil, soit référence absconse, soit virtuosité confondante, soit encore aporie ; la jouissance devenant  alors tache aveugle ; le texte jouit de moi, à mon insu ; il m’éblouit, s'absente?;

d)    plaisir comique – les textes qui font rire sont rares ; souvenirs d’éclats de rire en lisant Edouardo Mendoza, Eric Chevillard ; quand le rire vous cueille en gifle ; admiration devant la phrase capable de déclencher un fou rire ;

e)     plaisir béat – parfois le texte s’élève, doucement, il semble flotter, imperceptiblement il est passé à une strate supérieure, proche de la grâce, mais sans violence, sans effet repérable, et vous le sentez à cet état second dans lequel vous voilà plongé ; vous êtes pour ainsi dire dans le texte, dans son transport ;

f)     plaisir de la surprise — quand rien ne vous préparait à une lecture, sinon la curiosité ou le hasard ; l’étonnement vous nimbe d’une étrange ingénuité ; tout redevient neuf, ça embaume les possibles (découverte des livres de Stéphane Bouquet, de Mathieu Riboulet…) ;

g)     plaisir profane — Guyotat ; 

h)    plaisir sacré — Guyotat ;

i)      plaisir du partage — à l’instant même où vous lisez telle phrase, le désir impérieux de la répéter à l’autre, de l’extraire du livre pour la changer en voix ; souvent, on ne prend même pas la peine de dire "non mais, écoute ça", la phrase sort toute seule, comme si c’était le livre qui la propulsait ;

j)      plaisir du basculement — on lisait laborieusement, on hésitait, prêt à lâcher le livre, quand soudain quelque chose se passe, est-ce nous, est-ce le livre, peu importe, voilà qu’on entre dans l’engrenage du texte tel Charlot happé par les roues de la machine ; c’est gagné ;

k)    plaisir de relecture — où le texte, comme par une magie stéréoscopique, devient double, la lecture passée affleurant sous la lecture présente, le souvenir comme incrustée dans les phrases, les mots ; ce qu’on lit, alors, c’est moins le texte que son ombre conservée et par endroits changée en lumière ;

l)      à vous de continuer…