Les Grands Sujets sont de beaux remparts. La Foi, la Shoah, la Famine, même l'Amour… Prenez-les comme pierres de voûte de votre petit livre deux-pièces et ce dernier arborera aussitôt des allures de sanctuaire. Voyez Foenkinos, qui, frappé par la gravité de son sujet, semble avoir découvert le vers libre grâce à la construction verbe-sujet-complément, cet équivalent prosodique du jambon-beurre-cornichon (mais qui du coup a oublié de composer la musique…). Le problème, avec les Grands Sujets, c'est qu'ils vous dépassent vite. Ils interpellent. Du coup, l'auteur, un peu intimidé, les tourne et les retourne comme un potiron radioactif. Il pose des questions, mais parce qu'il les trouve trop pesantes. Bref, très vite, un fumet philosophique, quasi onfrayen, s'élève, qui à défaut d'impressionner peut rendre songeur.
Adoubé par Le Clézio (ouch), poussé par Beigbeder (arf), L'Oubli de Frederika Amalia Finkelstein se pose beaucoup de questions sur la vie et la mort, l'oubli et la mémoire – et on repense avec émotion au précédent livre de Florian Zeller dans lequel l'auteur subodorait que si Hitler était mort enfant, l'Europe ne serait pas la même. Donc Frederika s'interroge, ou plutôt son héroïne, qui culpabilise un peu d'écouter du Daft Punk alors qu'avant il y a eu l'Holocauste. Ça donne des choses profondes, je suppose, même si, à la lecture, on a du mal à les percevoir en 3D. Prenez la page 37:
"Pourquoi faut-il mourir? Telle est l'éternelle question. Je n'entrerai pas dans ce piège car déjà nous savons que personne n'est en mesure de nous répondre. Devant 'pourquoi faut-il mourir', toutes les réponses et tous les discours produisent le même effet: ils fondent comme des mouches. Mais je peux contourner ce piège par un simple énoncé que je vais répéter autant de fois qu'il convient – jusqu'à ce que ma haine du verbe 'mourir' s'évapore et qu'il ne demeure plus la moindre espèce de trouble à son endroit: je vais répéter que le temps est une illusion."
Ne nous attardons pas trop sur la question liminaire (but why?!), et évitons de commenter la dernière phrase (trop heidegerrienne à notre goût). Le fait est que la puissance philosophique ici convoquée, et concentrée, a eu un fâcheux effet: celui de produire cet étrange énoncé: "Ils fondent comme des mouches".
L'auteur a-t-elle voulu dire: "ils tombent comme des mouches" et a n'a pas tiqué en se relisant ? Mystère. Faut-il entendre "fondre" au sens de "s'abattre, foncer"? Mais là l'image n'est pas très claire. Sur quoi fondraient-elles, les pauvres? Doit-on plutôt entendre ce "fondre" au sens de "se liquéfier". Mais depuis quand les mouches fondent-elles? Une mouche a-t-elle jamais fondu? Qu'est-ce qui peut bien faire fondre une mouche? Surtout une mouche déguisée en réponse ou en discours?
Décidément, il n'y a pas que le temps qui soit une illusion…
A, noir corset velu des mouches éclatantes
RépondreSupprimerQui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre
L'auteur avait sans doute des souvenirs d'enfance de Rimbaud.
Cette main, sur mes traits qu'elle rêve effleurer,
RépondreSupprimerDistraitement docile à quelque fin profonde,
Attend de ma faiblesse une larme qui fonde,
Et que de mes destins lentement divisé,
Le plus pur en silence éclaire un coeur brisé.
"Pourquoi faut-il mourir?" Diable! Pose pas des questions idiotes, m'aurait répondu mon père, car c'est à cinq ans que j'ai commencé à me la poser, la question. Depuis? Plus le temps passe, et moins ça s'arrange. Et je sens que ça va mal finir. J'espère que je ne me rendrai compte de rien. Après, je vous raconterai. Michèle F.
RépondreSupprimerC'est peut-être des mouches à beurre...
RépondreSupprimerVous présupposez qu'elle se soit relu... C'est audacieux...
RépondreSupprimerc'est pourtant simple : il s'agit de la recette du gâteau aux mouches.
RépondreSupprimercf chez marmiton
Pour les pâtes à gâteaux aux mouches, on mélange d’abord les œufs avec le sucre, puis on ajoute les ingrédients secs et enfin les mouches fondues.
Oui, mais c'est troublant qu'elle clive autant... Bon, Begbeider ok, on s'en fout, mais Le Clezio? wath's happened to him...? C'est comme pour Houellebeck, les meilleurs ici le flinguent et on l'étudie dans les universités américaines... comme si par un effet de boomerang, leur pensée étriquée faisant écho à la vacuité du moment, on tenait pour du style la façon dont ils la révèlent alors qu' ils n'en peuvent mais... en tout cas, ça ne laisse pas de m'interroger...
RépondreSupprimerS'il fallait faire subir la même moulinette à tous les écrivains, la terre ne serait plus bleue comme une orange... Eluard ne s'était sans doute pas relu, non plus ?
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