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jeudi 2 avril 2015

Louxe fiatte

Hier, chez moi, c'était le chaos. Des ouvriers refaisaient toute l'électricité dans l'appartement. Meubles déplacés, meubles bâchés, tableaux décrochés, livres empilés, électricité coupée, bref impossible de travailler. Refaire l'électricité dans un appartement, c'est un peu comme le transfuser et refaire son système nerveux : on arrache la peau autour des anciens conduits sanguins, on tire sur les nerfs défunts, il y a de longs filaments rouges, de longs filaments bleus, une fine poussière monte de partout, ça perce, ça déloge, ça enfonce, ça contourne, cinq types qui bossent et parlent en même temps, s'activant dans plusieurs pièces à la fois, et vous vous êtes là, quasi immobile dans la tempête, réfugié sur un coin de table dans la cuisine, à faire l'inventaire de tout ce que vous ne pouvez pas faire, ou faire difficilement sans électricité: pas d'internet donc impossible d'aller sur eBay pour regarder s'il y a des cendriers Colargol en promo; impossible d'allumer les brûleurs de la gazinière sauf avec une allumette mais vous avez arrêté de fumer donc vous êtes en rade et jamais cet œuf ne va cuire par le simple pouvoir de braise de votre regard ; impossible de recharger vos cigarettes électroniques puisque vous avez arrêté de fumer, on reste calme ; impossible de se faire un café Nespresso; impossible de téléphoner vu que votre portable est en fin de batterie et va s'éteindre au moindre texto; impossible de lire aux toilettes sauf à laisser la porte grande ouverte, ce qui pourrait être mal interprété par vos amis électriciens; pas de musique, mais de toute façon le bruit de la perceuse s'en charge largement; bref, un ascétisme un peu forcé. Heureusement, il restait cet objet antique qu'est le livre. Vous avez pris le premier qui s'offrait à vous, il dépassait de sous une bâche et menaçait d'être emporté dans la tourmente. Ouf, sauvé. Vous l'ouvrez, faites le vide en vous, et une voix alors s'élève dans le silencieux brouhaha de l'appartement:
I sing the body electric,
The armies of those I love engirth me and I engirth them,
They will not let me off till I go with them, respond to them,
And discorrupt them, and charge them full with the charge of the soul.
Was it doubted that those who corrupt their own bodies conceal themselves?

And if those who defile the living are as bad as they who defile the dead?
And if the body does not do fully as much as the soul?
And if the body were not the soul, what is the soul?"

La tableau électrique est installé. Premier essai. Et soudain la lumière fume. Ça a disjoncté. Merci qui? Merci Whitman.