lundi 18 mai 2015

Gass et les nazis: quand la Quinzaine y voit une étrange fascination…


J’ai une bonne nouvelle : la Quinzaine littéraire cherche à concurrencer le Gorafi. J’en veux pour preuve l’article hilarant et au quinzième degré qu’a rédigé un thésard farceur du nom de Steven Sampson sur le dernier roman de William H. Gass, Le Musée de l’Inhumanité. D'ordinaire, je ne réagis jamais dans ce blog à la presse écrite, chacun son métier, mais là…
Au début, quand on m’a transmis l’article, j’ai cru que c’était pour de vrai, mais très vite j’ai compris que c’était un gag. En effet, l’auteur de l’article commence par des propos tellement «énhaurmes » qu’on y voit presque que du feu :
« Si la Shoah n’avait pas eu lieu, comment les artistes contemporains pourraient-ils mettre en relief le kitsch américain ? »
Si la Shoah n’avait pas eu lieu ? Ouch. Mon imagination ne va pas jusque-là. Et dans la foulée, voilà que le responsable (?) de ce papier y va d’un parallèle entre le Tarantino de Inglorious Basterds et le  Gass du Musée de l’Inhumanité. Sapristi. C’est hyper pop critic  – pas de panic. Suivent plusieurs lignes sur le film de Tarentino, pas très charitables, soit, mais auxquelles j’adhère à cent pour cent vu que je déteste ce film nauséabond. Et puis soudain, crac, ciao Tarantino, voilà que c’est William Gass et Richard Powers qui se retrouvent dans le même sac encore plus nauséabond des nazi-addicts. Deux auteurs de Lot49. Hum. (Aurait-on oublié Vollman-el-facho et Verhaegen-los-collabos?) Et hop, sans prévenir, il est question du titre français du livre – Le musée de l’Inhumanité – qui se démarque de l’original (comme c’est rare…) et qui fait qu’on
« comprend pourquoi Claro, traducteur des romanciers avant-gardistes […] a opté ainsi pour quelque chose de plus hargneux, de plus conforme à la conception française de la subversion. »
Bon, tout d’abord, cher Steven Sampson – on se connaît un peu, je me permets donc cette liberté –, je ne traduis pas des « romanciers avant-gardistes ». Je traduis des livres écrits par des auteurs qui questionnent la langue. Et aussi des romans qui m’amusent. (Et comme je suis limité comme tout traducteur, je n’ai pas trouvé de traduction satisfaisante pour « middle C » en français, à mon grand dépit.) Quant à cette « conception française de la subversion », tu m’expliqueras, c’est pas tous les jours qu’on rigole sur des sujets sérieux. Ou plutôt non: ne m'explique pas.
Bon, je suis d’accord sur un point précis, même si tu n'exprimes pas la chose aussi franchement, et c’est dommage : oui, je suis d’accord pour dire que ni William Gass ni Richard Powers ne sont Juifs, mais je ne suis pas sûr que les soupçonner de « fascination pour les nazis » soit la meilleure façon de qualifier leur non-judéité, encore moins leur projet littéraire. Mais je m’emporte, j’ai tort, car tu plaisantes. Tu plaisantes forcément, sinon tu n’écrirais pas ceci :
« Comment expliquer la séduction que Hitler exerce sur ces romanciers, cinéastes et acheteurs de maquettes d'U-boot ? Le nazi représenterait-il un modèle de rigueur, de discipline et de sérieux, par comparaison avec un Occident mou, inculte et féminisé ? Quel mystère se trouve dans le symbole de la croix gammée ? La civilisation américaine est-elle encore plus kitsch que celle du Dictateur ? »
Oui, tu plaisantes. Forcément. Sinon tu ne dirais pas ça. Tu ferais autre chose. Tu réfléchirais. Tu pèserais tes mots. Tu crois vraiment que Gass achète des maquettes de U-boot ? Ou a le moindre point commun avec ceux qui achètent des maquettes de U-boot ? Excuse-moi, mais je trouve ton image hyper tarentinienne. Gass avec une maquette, c'est moins drôle que Hynkel avec le globe terrestre, c'est sûr. Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu que tu transformais, à son insu hélas, la Quinzaine en Gorafittéraire ? Et Pynchon ? Que penses-tu de Pynchon ? De ses V-2 germaniques qui font bander le goy yankee ? Bon, quand, à propos du fameux « musée de l’inhumanité » que compose dans son grenier Joseph Kizzen, le narrateur de Gass – à savoir des dizaines de coupures sur les crimes commis par l’homme au cours des âges, sans distinction de race, religion, ethnie, pays, époque… – tu vas jusqu’à dire ceci :
« Noyée dans cette exposition d'horreurs, la Shoah en effet apparaîtra comme un simple ‘détail’ »,
autrement dit, quand, avec une subtilité incroyable qui sent le cabotin un peu trop sûr de lui que personne n’a relu (youhou la Quinzaine, y a quelqu'un?), tu opères un rapprochement so fun entre Jean-Marie Le Pen et William H. Gass (ou son personnage, ce n’est pas très clair, bien sûr…), je me dis que ton sens de l’humour excède tout ce que j’attendais d’un Gorafi littéraire.
Sacré Steven. J’ai failli marcher. Bon, si ce n’est pas de l’humour, je te souhaite bonne chance. Mais surtout ne dis au Gorafi que tu es sérieux. Sauf si tu veux qu'on parle de toi. Serait-ce le cas?
Reviens, Nadeau ! Ils sont devenus fous!!!!

1 commentaire:

  1. Hilarant ! Je ne pensais pas que la Quinzaine puisse faire preuve d'un tel humour (on peut toujours rêver !).

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