J’ai
une bonne nouvelle : la Quinzaine
littéraire cherche à concurrencer le Gorafi.
J’en veux pour preuve l’article hilarant et au quinzième degré qu’a rédigé un thésard
farceur du nom de Steven Sampson sur le dernier roman de William H. Gass, Le Musée de l’Inhumanité. D'ordinaire, je ne réagis jamais dans ce blog à la presse écrite, chacun son métier, mais là…
Au début,
quand on m’a transmis l’article, j’ai cru que c’était pour de vrai, mais très
vite j’ai compris que c’était un gag. En effet, l’auteur de l’article
commence par des propos tellement «énhaurmes » qu’on y voit presque que du
feu :
« Si la Shoah n’avait pas eu lieu, comment les artistes contemporains pourraient-ils mettre en relief le kitsch américain ? »
Si
la Shoah n’avait pas eu lieu ? Ouch. Mon imagination ne va pas jusque-là. Et
dans la foulée, voilà que le responsable (?) de ce papier y va d’un parallèle
entre le Tarantino de Inglorious
Basterds et le Gass du Musée
de l’Inhumanité. Sapristi. C’est hyper pop critic – pas de panic. Suivent plusieurs lignes
sur le film de Tarentino, pas très charitables, soit, mais auxquelles j’adhère
à cent pour cent vu que je déteste ce film nauséabond. Et puis soudain, crac, ciao Tarantino,
voilà que c’est William Gass et Richard Powers qui se retrouvent dans le même
sac encore plus nauséabond des nazi-addicts. Deux auteurs de Lot49. Hum. (Aurait-on oublié
Vollman-el-facho et Verhaegen-los-collabos?) Et hop, sans prévenir, il est
question du titre français du livre – Le
musée de l’Inhumanité – qui se démarque de l’original (comme c’est rare…)
et qui fait qu’on
« comprend pourquoi Claro, traducteur des romanciers avant-gardistes […] a opté ainsi pour quelque chose de plus hargneux, de plus conforme à la conception française de la subversion. »
Bon,
tout d’abord, cher Steven Sampson – on se connaît un peu, je me permets donc
cette liberté –, je ne traduis pas des « romanciers
avant-gardistes ». Je traduis des livres écrits par des auteurs qui
questionnent la langue. Et aussi des romans qui m’amusent. (Et comme je suis
limité comme tout traducteur, je n’ai pas trouvé de traduction satisfaisante
pour « middle C » en français, à mon grand dépit.) Quant à cette « conception
française de la subversion », tu m’expliqueras, c’est pas tous les jours
qu’on rigole sur des sujets sérieux. Ou plutôt non: ne m'explique pas.
Bon,
je suis d’accord sur un point précis, même si tu n'exprimes pas la chose aussi
franchement, et c’est dommage : oui, je suis d’accord pour dire que ni
William Gass ni Richard Powers ne sont Juifs, mais je ne suis pas sûr que les
soupçonner de « fascination pour les nazis » soit la meilleure façon
de qualifier leur non-judéité, encore moins leur projet littéraire. Mais je
m’emporte, j’ai tort, car tu plaisantes. Tu plaisantes forcément, sinon tu
n’écrirais pas ceci :
« Comment expliquer la séduction que Hitler exerce sur ces romanciers, cinéastes et acheteurs de maquettes d'U-boot ? Le nazi représenterait-il un modèle de rigueur, de discipline et de sérieux, par comparaison avec un Occident mou, inculte et féminisé ? Quel mystère se trouve dans le symbole de la croix gammée ? La civilisation américaine est-elle encore plus kitsch que celle du Dictateur ? »
Oui, tu
plaisantes. Forcément. Sinon tu ne dirais pas ça. Tu ferais autre chose. Tu réfléchirais. Tu pèserais tes mots. Tu crois vraiment
que Gass achète des maquettes de U-boot ? Ou a le moindre point commun
avec ceux qui achètent des maquettes de U-boot ? Excuse-moi, mais je
trouve ton image hyper tarentinienne. Gass avec une maquette, c'est moins drôle que Hynkel avec le globe terrestre, c'est sûr. Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu que tu
transformais, à son insu hélas, la Quinzaine
en Gorafittéraire ? Et
Pynchon ? Que penses-tu de Pynchon ? De ses V-2 germaniques qui font
bander le goy yankee ? Bon, quand, à propos du fameux « musée de
l’inhumanité » que compose dans son grenier Joseph Kizzen, le narrateur de
Gass – à savoir des dizaines de coupures sur les crimes commis par l’homme au
cours des âges, sans distinction de race, religion, ethnie, pays, époque… – tu
vas jusqu’à dire ceci :
« Noyée dans cette exposition d'horreurs, la Shoah en effet apparaîtra comme un simple ‘détail’ »,
autrement dit,
quand, avec une subtilité incroyable qui sent le cabotin un peu trop sûr de lui
que personne n’a relu (youhou la Quinzaine, y a quelqu'un?), tu opères un rapprochement so fun entre Jean-Marie Le Pen et William H. Gass (ou son
personnage, ce n’est pas très clair, bien sûr…), je me dis que ton sens de
l’humour excède tout ce que j’attendais d’un Gorafi littéraire.
Sacré Steven. J’ai
failli marcher. Bon, si ce n’est pas de l’humour, je te souhaite bonne chance.
Mais surtout ne dis au Gorafi que tu es
sérieux. Sauf si tu veux qu'on parle de toi. Serait-ce le cas?
Reviens, Nadeau ! Ils sont devenus fous!!!!
Hilarant ! Je ne pensais pas que la Quinzaine puisse faire preuve d'un tel humour (on peut toujours rêver !).
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