Le choc. La stupeur. La peur.
L’indignation. L’incrédulité. L’horreur. Chaque mot, juste et inadéquat, vient
recouvrir l’autre, l’enrichir, l’appauvrir. Mais la terreur – celle exercée,
pas celle ressentie – se moque des nuances. On la croyait aveugle, gratuite,
aléatoire, chacun visé par l’arbitraire d’actes ponctuels, chacun menacé
puisque tous désignés complices, l’innocence niée au nom d’une
soi-disant guerre qu’on n’ose croire sainte. Or voilà que la terreur revient à
ses fondamentaux : l’attentat. La désignation des cibles. Voilà qu’elle
assume son visage vengeur, et que l’attentat se présente nu pour ce qu’il
est : une exécution.
Les morts de Charlie-Hebdo ne
sont pas morts lors d’un attentat terroriste : ils ont été exécutés. Identifiés, jugés, condamnés,
puis exécutés. Reconnus coupables par une pseudo justice sans nom, sans juges,
sans jurés, sans pitié. Autrement dit, stricto
sensu: sans foi ni loi. Cette fois-ci, il ne s’agit pas une bombe devant un
cinéma, dans un grand magasin ou dans le métro ; ce n’est pas non plus un
attentat suicide. Ce qui s’est passé, c’est ni plus ni moins la transformation d’un
espace privé – la rédaction d’un journal – en tribunal expéditif. Toi, toi,
toi, et toi, et toi aussi : tous coupables. Sentence : la mort.
Exécution : immédiate. Bref : un dispositif commun aux guerres et aux
révolutions. Notre liberté, qui peut être d’offenser, se heurtant à une
vindicte, qui sait comment tuer.
L’émotion : qu’en
ferons-nous ? Qui nous l’empruntera pour s’en servir ? Qui en fera à
son tour une arme ? Qui lui donnera d’autre nom que celui d’émotion ?
La peur. Qui en fera un étendard, un levier ? une autre peur ? une
peur autre ? Le choc. Qui utilisera ses ondes pour déplacer certaines
masses ? L’horreur ? Qui profitera de la cécité qu’elle peut engendrer ?
L’indignation et l’inquiétude n’ont jamais créé de cohésion sociale. Hier, on
s’indignait devant l’islamophobie de Zemmour. Aujourd’hui, on s’inquiète de la
sécurité de Houellebecq. Hier, les caricatures de Charlie-Hebdo étaient choquantes,
puisque destinées à choquer, interpeller, faire rire (ou non). Aujourd’hui,
nous sommes tous Charlie. Au centre: la liberté de s’exprimer, pierre de touche
démocratique, dont nous avons à charge, sans cesse, de tracer les limites. Des
lois peuvent la définir (incitation à la haine, diffamation, etc.), des peines
la sanctionner (amendes, interdictions, etc.). Ces lois et ces peines peuvent
être discutées, critiquées. Pourquoi ? Parce que la liberté d’expression ne
saurait faire l’économie du désaccord, voire de la dissension, étant par
essence confrontation d’idées et de formes. Elle peut et doit faire débat. Or
la terreur vient nier toute possibilité de débat. La terreur nie les fondements
mêmes du débat ; elle prend la parole pour la retirer à jamais. Le droit à
l’outrance n’est pas un devoir d’offense mais l’expression d’une
conviction ; la terreur, elle, fait du meurtre l’arme du silence.
Mécréant : il faudrait, il
faudra peut-être rendre un jour à ce mot ses lettres de noblesse. Le dictionnaire
nous donne trois définitions possibles de ce mot: 1/ Qui a une religion autre
que la religion chrétienne ; 2/ Qui n’a aucune croyance religieuse ;
3/ Personne sceptique sur un point autre que la religion. Mais s’il existe
trois acceptions de la mécréance, il ne saurait en exister qu’un seul mode, que
tous, mécréants ou pas, doivent partager et respecter : libre de le rester.
http://lesheterotrophes.blogspot.ch/2015/01/non-je-ne-suis-pas-charlie.html
RépondreSupprimerLe choc. La stupeur.La peur.L'horreur. La sidération! La réalisation soudaine que toute une génération au moins à tété du Cabu et Wolinski et ensuite les autres. Y compris les deux frères assassins sûrement. Voilà pourquoi vous Claro, Chevillard et autres "désigneurs" de fourmilières à botter,devez vous atteler à ruer de façon plus efficiente dans les cerveaux. Nous dire que Le pen est le pen, que zemmour est zemmour, que houellebecq, soral,boutin,et autres "élucubrationneurs" le sont, c'est bien. Mais ça va de plus en plus se faire voir comme dérisoire. Il faut maintenant commencer à faire relever par tous ces "Charlie" éclos ce qui est bien dans leur prise d'émotion en route, car on parle plus du négatif livré par les rêveurs de cadavres que de ce que les personnes peuvent faire en tant que citoyens simplement normaux. Ce n'est pas pilonner les zemmour et affidés qu'il faut désormais mais très simplement leurs idées. Il ne faut plus se contenter que de les énumérer (ils le font eux-mêmes). mais plutôt montrer leur bel envers.Sinon, les "Charlie" ne continueront que d'être des "Charlie". Et l'anagramme de "CHARLIE" est et restera "CHIALER".
RépondreSupprimerDésigner l'abcès ne le crève pas. Il faut s'escrimer à le crever plutôt. A votre plus belle plume donc, la plus acérée. Merci