On vous avait parlé il y a quatre ans – quatre ans déjà… – du livre de David Besschops, Trou commun, paru chez Argol en 2010 – cinq ans déjà – un livre crispé et râpeux comme on les aime. Revoici le rare Besschops avec un texte intitulé Besschop(s), paru aux éditions L'Âne qui butine, éditeur belge basé à Mouscron. Ce pluriel entre parenthèses s'explique par la construction ternaire du livre, sorte d'hagiographie abjecte de l'auteur, par lui-même, son père puis sa mère. Ça commence par la naissance, vécue en farce bouchère ("David Besschops a débuté très tôt relié par un tortillon de couleuvres aux entrailles de sa mère") puis vient le temps paroxystique de l'inceste, de la haine du père, de la mère en alcool. L'auteur écrit pour se désaboucher du trou commun familial, pour s'extirper du clapier à mépris où on l'oblige à végéter, avec pour seul allié, pour seul levier, un corps sexuel à refaire:
"écrivain de mon roman de commande j'adoube ma trouille la bien membrée ma trouille est verte dans une robe rousse et mon poignet est muet je m'interroge quel sperme éjaculer quand l'inceste se situe en dessous de la ceinture la Peur m'étreint me congratule m'appelle papa je l'ai enfreint le père rempart je plonge dans le trouble l'univers foutral enfin pair de ma Peur […]"
En paragraphes-blocs, telles des pierres de refus qui s'accumulent, Besschops tente de se remachiner une généalogie, en faisant fuir les pulsions, les phobies, les rages. La deuxième partie – intitulée Deuxième patrie… – cède place et voix au père, au pater familias qui met en garde l'éditeur du livre contre les viles élucubrations du fils, façon pour Besschops d'exorciser les dénis du noyau papa-maman:
"A l'en croire relater l'arrachage d'un morceau de chair au fantasme collectif – qui s'apparente davantage à un sournois vol de sac à mains qu'à un rapt – serait matière à roman"
Vient enfin la troisième "patrie", celle attribuée à la mère, des "mamandements" où le fils se soit privé de tout: d'eau, de décomposition, de l'origine de sa vie… Mais le livre ne s'arrête pas là, et d'ultimes "biographies" rendent au pluriel du titre la puissance des possibles.
Païenne comédie en trois enfers, Besschop(s) renvoie à la maternelle tous les bidouilleurs d'autofiction qui confondent intérieur et confort. Ni confession ni récit, mais tentative de réincarnation hors la terreur du "Trou", livre cavalier seul, livre-orage, au plus près du corps sans organe de l'écriture, dans la lignée d'Artaud et de Guyotat :
"roman cirque où le je mécanique première personne automatique des conjugaisons du taire entier gauchit ou s'affuble clown sous l'accoutrement sous la mitre du braire blabla soudé aux ébats carnivores je me troque contre le pouls tempête des avis de décharge délit de foules et autres sciences l'écriture s'immisce dans la cacophonie l'entrejambe pourrissant des lettres certains sons transmigrent frôlent l'ineffable et la petite délinquance qu'importe l'inceste seule le conte roman"
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David Besschops, Besschop(s), éd. L'Âne qui butine
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