Ce qui est bien avec Google Actualités, à la rubrique
« culture », c’est que vous êtes certain d’avoir des informations qui
n’ont rien à voir avec la culture. D’ailleurs, régulièrement, l’intitulé
change, et ce qui était « culture » devient « divertissement ».
Bref. Aujourd’hui, parmi les infos édifiantes, il y avait un lien vers un site
révélant cet événement crucial : lors d’une répétition pour son passage au
Grand Journal de Canal +, alors que Kylie Minogue chantait sa chanson (« nanana
nana nana na nanna »), le vent a soulevé sa robe et dévoilé un instant sa
culotte. Du coup, un type s’est fendu d’un article sur ce micro-événement et il
y a même une photo, recadrée et agrandie, de l’entrejambe de Kylie avec la
fameuse culotte dévoilée. C’est bien sûr fascinant. Quelqu’un s’est dit que ça
valait le coup de faire un papier là-dessus et surtout qu’il n’y avait rien
d’obscène à choisir, recadrer et agrandir le non-instant, afin de montrer cette
chose inouïe que personne n’a encore jamais vu : une culotte de femme.
Bon, c’est quoi le message ? Oh c’est très
simple : 1/les femmes sont des morceaux de viande (et, accessoirement, des
putes ; d’ailleurs elles portent des culottes, la preuve) ; 2/
l’homme est un porc, mais c’est lui qui fixe les règles, alors pas d’inquiétude,
personne ne verra son groin. Donc, montrons-lui une femme qui porte une
culotte. Ça ne peut que l’intéresser.
Si la femme est connue, si le dévoilement est lié au vent, alors c’est
encore mieux, comme si c’était la célébrité et le vent qui étaient, après tout,
responsables de l’événement. L’autre message est plus pervers. L’autre message
c’est : regardez, ce que vous voyez ce n’est pas juste une culotte, mais
le fait qu’on vous la montre en faisant comme si la culotte était plus
importante que le fait de la montrer. L’autre message c’est : le fait de
vous montrer cette culotte est censé occulter l’obscénité absolue qui préside à
cette monstration. L’autre message c’est : Nous ne sommes pas des porcs,
vous n’êtes pas des porcs, mais bon, on va quand même vous montrer ce bout de
culotte. Pourquoi ? Parce que vous n’avez jamais vu de culotte ?
Parce que c’est drôle ? Parce que ça a eu lieu ? Non, l’autre message
est beaucoup plus clair : on a le droit de le faire. On a le droit de dire
sans le dire qu’on pense qu’une femme est un morceau de viande. On a le droit
de dire sans le dire qu’on a le droit de penser qu’une femme est un morceau de
viande. Et surtout : ce n’est pas très grave. La femme n’est pas très
grave. On peut en faire ce qu’on veut. Parce que hein, franchement, on s’en
fout un peu de la petite culotte
de cette chanteuse. On s’en fout et surtout : on s’en branle. Et le
message c’est aussi ça : on s’en branle. La femme on s’en branle :
elle est faite pour qu’on se/s’en branle, et il n’y a pas de honte à le
proclamer. Un autre site reprend même la photo, mais en floutant le bout de
culotte dévoilé. Ce flou, censé opérer une distanciation (on n’est pas
vulgaire, à ce point-là, nous, on « respecte ») est curieusement
encore plus vulgaire : cachant et montrant, il essaie de cacher le fait
qu’il montre. Le journaliste prend d’ailleurs la peine de préciser :
« Rassurez-vous, si le moment a, malheureusement pour elle, était immortalisée en photo, pas de vidéo. C'est en effet pendant les répétitions et le soundcheck que le petit incident a eu lieu et non pas en plein direct et devant les beaux Ryan et Robert ! Ouf. »
Ouf ?
Ce « ouf » résonne comme un « splouch », en fait,
c’est le bruit un peu pataud de la semence verbale qui gicle sans prévenir dans
le gras slip cérébral de l’homme. Une image arrêtée, pas une image qui
bouge : et la morale est sauve. On pense à ce règlement qui stipulait que
les strip-teaseuses devaient rester en mouvement et que, si elles se figeaient,
alors il y avait obscénité. Ici, c’est censé être le contraire. Ouf ? On a juste envie de dire :
reviens, Valerie Solanas, il reste des trucs qui dépassent !
Merci!
RépondreSupprimer"reviens, Valerie Solanas, il reste des trucs qui dépassent ! " C'est trop beau.
RépondreSupprimerKtioucha
« Rassurez-vous, si le moment a, malheureusement pour elle, "était immortalisée"...
RépondreSupprimerFerait bien de se relire le journaliste.
Michèle P
Relisons donc Pierre Jourde : "C'est la culture qu'on assassine"... Il n'y est pas question de petites culottes, ça date peut être un peu, mais ça fait quand même très mal !
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