Le « dos » d’un livre –
mot qui en réalité désigne son échine, mais tant qu’à l’humaniser l'objet, imaginons-lui
des épaules en sus d’une colonne –, le dos d’un livre, donc donc donc, recèle des merveilles
d’ingéniosité, et ne s'en cache pas. Tous les styles sont soudain permis ; aucune
incongruité n’y est bannie ; l’absurde s’y autorise quelques entrechats ;
le mensonge peut même s’y pavaner. Il y a la tendance liminaire, brève,
définitive, par exemple la quatrième du Voyage
au bout de la nuit de Céline dans l’édition Livre de Poche (1952), signée
Gaétan Picon (et extraite de son Panorama
de la Nouvelle Littérature française) :
« L’un des cris les plus farouches les plus insoutenables que l’homme ait jamais poussé. »
Un cri de cinq cents pages,
certes, mais bon, tant qu’à être farouche et insoutenable… Il y a la quatrième qui la joue ambiance, ou du moins cherche à donner le la, hors portée. Exemple du jour, La Cage aux filles, roman de gare signé
C. Sardes (adieu le prénom de l’auteur…), paru aux Editions de Lutèces en
« Série Noire & Rose » :
« Et vlan ! Sans crier gare, je lui fais cadeau en guise de marons [sic] chauds d’une châtaigne qui serait immédiatement primée dans un concours agricole. Le type la déguste dans le buffet. »
Au moins, il n’y a pas tromperie sur
la marchandise et le lecteur est déjà presque rassasié. Mais il arrive qu’une
quatrième s’enfle d’ambition et tente en une trentaine de lignes de condenser
et commenter la vie entière d’un écrivain. Ainsi de celle de Madame Bovary,
paru au Livre de Poche en 1961, qui nous dit tout, nous révèle tout du parcours
de Flaubert. On y apprend que ce « grand garçon blond aux allures de
Viking », qui « souffre d’une nervosité maladive », étudie le
droit « sans plaisir sinon sans profit », d’où de nombreux voyages
« préconisés comme remède ». Il ira donc « à pied » en
Bretagne, « d’où il rapporte des impressions » ! Mais qui est
Gustave ? Oh, il est « sauvage, bourru, fort en gueule et
maladivement timide ». Décidément, ça ne s’arrange pas. Que fait-il donc
de ses journées, avec un tel caractère ? N’en doutez pas, « il
s’abrutit de travail et reçoit aimablement ses visiteurs ». Respect. Il
faut dire qu’il a pour lui un atout considérable : « Il écrit depuis
qu’il sait tenir une plume. » Oui, ça se passe comme ça pour cet
« érudit passionné de style ». D’ailleurs, il n’écrit pas, c’est
mieux que ça : il « s’acharne à buriner les diverses versions »
(de sa Tentation). Bon, parfois, il
doit être moins inspiré, car il se contente de « rédiger » Madame Bovary.
Et sinon, quand il n’écrit pas,
que fait-il, l’animal ? Il « voyage », « se documente sur
place », « rompt » (avec sa maîtresse), « fréquente »
(une princesse), « connaît un succès » (Trois Contes), mais s’essaie au théâtre « sans brio »,
après quoi « il meurt subitement ».
Quel écrivain ne rêverait de voir
ainsi sa vie ramassée tel un furieux ressort ? Mais pour cela, bien sûr, il
conviendrait de faire quelques efforts, de « s’acharner à buriner »,
par exemple, de « s’abrutir de travail », d’être un « passionné
de style »… Des candidats ?
Bonjour,
RépondreSupprimerNe pas savoir ce qu'est le "dos" d'un livre quand on a soi-même tant traduit et proposé tant de mauvais livres à nous, pauvres lecteurs...
La quatrième de couverture n'est en rien le dos du livre... Il est juste la 4e page composant la couverture d'un livre (comme son nom l'indique).
Le dos, lui, est "dans un volume relié ou broché, la partie opposée à la tranche de goutière (le dos reçoit le titre du livre)" selon le Larousse. Bref, c'est la partie visible d'un livre lorsqu'il est rangé dans une bibliothèque...
Eh mais en fait vous savez lire, puisque c'est précisément ce que je dis. Merci pour la leçon de choses, vous pouvez gardez la poussière.
SupprimerOuh, savoir qu'on utilise un mot qui ne décrit absolument pas la réalité de ce que l'on écrit, quel incroyable sens du style !! Mais où est le Nobel voyons, vite, nous avons le nouveau Céline.
SupprimerCela est juste stupide, inexact et rend votre phrase absolument nulle et non avenue pour n'importe quelle personne ayant encore un peu de sens critique. Mais bon...
Vous n'avez toujours pas compris que révolutionner l'écriture, ce n'est pas écrire n'importe quoi, style "oh-regardez-comme-je-suis-révolutionnaire-j'utilise-un-mot-qui-n'a-rien-à-voir-avec-ce-que-je-décris-mais-je-prouve-que-je-le-sais-"humour"-et-histoire-de-montrer-mon-incroyable-génie-stylistique-je-mets-du-"donc donc donc"-trois-fois-hein-syntaxe-mots-sens-rien-à-foutre-j'ai peur-de-rien-je-suis-un-petit-génie" ??? N'est pas Pynchon qui veut, monsieur le traducteur...
Je suis sincèrement désolé d'apprendre que vos commentaires, pour des raisons purement techniques, finiront désormais à la décharge publique, mais au moins ils y seront en bonne compagnie.
SupprimerOn citera aussi la 4ème de couv. qualifiant un roman de cynique et drolatique...
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