Il est une bonne fois pour toutes Benoît
Poelvoorde. C’est comme ça. Pas moyen d’échapper à sa voix qui semble produite
par ses épaules après assentiment de son front baissé, lequel s’efforce de
dissimuler un regard qui peine à remonter. L’attaque de ses phrases, d’abord
plainte, puis contrition et enfin demande. Ses yeux, qui semblent interroger
tout en plaidant, la froideur de ses muscles quand on sent bien qu’il y a
brasier sous crâne, ses bras soudain longs qui ne veulent pas rester collés à des
côtes qui déjà claquent et actionnent le soufflet du torse, qui se
bombe un court instant, bravache.
Charisme
discret de la faiblesse qui s’obstine, tient bon. Sa voix qui crépite, comme
sortie d’un poste à galène ayant raclé le fond des océans. En lui, l’impatience
prend son temps, se peuple, elle dialogue avec la dérision, décide ce qui est
possible : un silence, un geste, une bégaiement. Qu’il joue les benêts,
les empêtrés, les malheureux, les arrogants, il joue toujours le même jeu
dangereux : celui du corps prêt à exploser, parce que traqué par la
malchance. Saltimbanque de la dépression. Son corps s’avance toujours en
promontoire de sa parole. Quand il parle, ses mains ont déjà avoué ou menti.
Tout lui est impact – il négocie avec ses réflexes, ses tics, ses peurs, ses
manies. Son jeu est une feuilleté de tergiversations et son charme naît de l’hyperbole
de ses fêlures. On le voit se raviser, on le sent sur le point de s’effondrer,
et quand il explose… tout explose, la mousse du corps redevient bois vert, le pantin
se réarticule, Polvoorde sort de Poelvoorde. Il laisse le rire le fracturer et
lui échapper, secouant le spectateur dans un même mouvement généreux et blessé.
Cette
année, Poelvoorde invitera pour la deuxième fois ses amis comédiens à lire ses
auteurs favoris, à la faveur d’un festival dont il est le fondateur
et le directeur artistique : L’Intime Festival, qui se déroulera pour
la deuxième fois du 29 au 31 août, à Namur. Que lit Poelvoorde ? Oates,
Modiano, Albert Cohen, Duras. A-t-il lu Beckett ? On le suppose, tant il
est, à sa façon fébrile, un Keaton en perpétuel otage du réel. En tout cas,
quand Poelvoorde parle de son festival, il n’y va par quatre chemins :
« Si tu viens avec ta bite et ton couteau et que tu dis : voilà, ça va être moi tout nu, le public est tout ouïe, il n’y a pas un bruit dans la salle, pas un strapontin qui bouge… Or ce n’est rien d’autre que la découverte d’un texte et la voix d’un acteur. »
Ecorché/caché, Benoît Poelvoorde ? Il est comme ça. Ouais le secret ça coupe et ça donne, oh,
oh, faut que j’moove sans fin du venin qui me fait mal au cœur quand le serpent
chaloupe et console.
Bel hommage ! Benoît Poelvoorde lira-t-il du Claro un jour ?
RépondreSupprimerBien écrit. Un peu dans l'excès, mais le style est vif et me plaît.
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