En ce moment, et jusqu'au 6 décembre 2013, on peut aller au théâtre Jean-Vilar, à à Louvain-la-Neuve, au cœur du Brabant wallon (Belgique) pour assister au Triomphe du singe araignée, adaptation théâtrale du roman éponye de Joyce Carol Oates, que j'avais traduit en 2010 pour les Allusifs, alors dirigés par Brigitte Bouchard (on le trouve actuellement dans la collections Points/Seuil, en principe). La mise en scène et l'adaptation scénique sont signées Marie-Line Lefebvre, et c'est le comédien Alexis Goslain qui porte le texte sur ses épaules. N'ayant pas vu la pièce, je me contenterai de vous parler du roman…
Le texte de Oates est paru quant à lui en 1976 et reste sans doute l'un des textes les plus atypiques de la romancière (c'est juste une intuition, car il va sans dire que je n'ai pas lu tous ses livres, et la chair est loin d'être triste, qu'on se rassure). Un texte très seventies, derrière lequel plane l'ombre de Charles Manson, où le cinéma joue un rôle effrayant, où le devenir-animal (et le thème de l'enfant sauvage) travaille la phrase de Oates en un long monologue tout en sarcasmes et fureurs, et qui raconte la geste sanglante d'un dénommé Bobbie Gotteson (God's son?), serial killer maniant la hache et la dialectique, devenu coqueluche du public, poète-boucher aux mille cavales. Peut-on être monstrueux et américain? A grand renfort azimuthé de collages, de lambeaux de poème, de rapports de procès, de fausses confessions et de délires chorégraphiés, Joyce Carol Oates fait dans ce court livre une ahurissante expérience de free-jazz mental. Singe ou araignée? Agité ou patient? Hop, extrait déchiré :
"je dormais dans le coconétiré au point d'occuper la taille exact du coconun mètre soixante et onzeje dormais là parfaitement heureuxquand l'alarme sonnames frères adoptifs sont accourus dans la chambremon père adoptif m'a empoigné par les chevillesje lui ai crié de ne pas me tirer ainsi à l'enversmais il a ri et dit C'est l'heure de se lever!ils ont tous ri et m'ont traîné à l'envershors du coconet quand vous êtes ainsi tiré en arrièrel'intérieur du cocon se change en rasoirsmême vos yeux s'enfoncent dans votre crâneet quand votre tête est dégagéevotre cerveau suffoquemais vous vous habillez quand mêmeet vous allez quand même à l'école"
Bon, je n'ai pas encore eu le plaisir de lire Le Triomphe du singe araignée, mais d'après ce court extrait je m'aperçois que je dois avoir, à mon insu, pas mal de gènes de la bestiole en question ! A suivre...
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