Bon, si vous ne devez lire qu'un seul livre ce mois-ci (ou cette année), vous savez ce qu'il vous reste à faire: acquérir sans tarder Guerre et Guerre de László Krasznahorkai, qui vient de paraître aux éditions Cambourakis. László Krasznahorkai – celui que Susan Sontag a qualifié de "maître hongrois de l'apocalypse" – est un immense auteur, naguère publié par Gallimard (quand Gallimard croyait encore à l'éternité…), et dont on peut, non, dont on doit tout lire. A fortiori Guerre et Guerre, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, et dont voici la présentation par l'éditeur français:
"Petit historien local travaillant dans un centre d’archives poussiéreux situé à deux cent vingt kilomètres de Budapest, Korim, qu’une tristesse sans âge tenaille au point de lui faire perdre la tête, découvre un jour un mystérieux manuscrit que nul n’avait dérangé depuis des décennies. Ce texte, d’une force poétique bouleversante, relate l’éternelle errance de quatre figures angéliques poursuivies sur terre et à travers l’Histoire par l’extension inexorable du règne de la violence. Pénétré par l’absolue vulnérabilité de ces personnages, Korim se donne pour but de délivrer au monde l’obsédant message porté par le manuscrit. C’est à New York, au "centre du monde", qu’il décide d’accomplir cette tâche, avant d’entrevoir, au terme de sa course folle, la possibilité d’un refuge pour ses compagnons..."
On l'avait lu en traduction anglaise il y a quelques années – l'impression de traverser au ralenti un incendie… – et on a hâte de s'y replonger en traduction française et de vous en reparler. Il suffit d'avoir lu Le Tango de Satan ou La Mélancolie de la résistance (ou d'avoir vu Les Harmonies Werkmeister du cinéaste Béla Tarr) pour se douter qu'on va vivre une intense expérience de lecture. Que mille bougies fleurissent donc sur le seuil des éditions Cambourakis qui prouvent une fois de plus, si besoin était, que la grande littérature est l'affaire des petits éditeurs — cessons d'ailleurs de les appeler "petits éditeurs", puisqu'ils sont grands par leur exigence et leur ambition, et réservons l'adjectif "petits" à ceux qui prennent les livres pour des avances sur recettes.
P.-S. Les mêmes éditions Cambourakis ont publié un court texte de Krasznahorkai, La venue d'Isaïe, également traduit par Joëlle Dufeuilly, et "conçu sous la forme d’une lettre au destinataire non identifié, […] au ton étrangement prophétique - un homme, Korin, entre dans un buffet de gare et délivre par bribes un message énigmatique, dont la solennité contraste avec l’environnement miteux" et qui joue comme un prologue au roman Guerre et Guerre.
J'ai un respect et une tendresse toute particulière pour Krasznahorkai, un de ces écrivains si intelligents que tu te sens du coup un peu moins bête et mité en les lisant: "On peut aller n'importe où sur terre, on n'apprend que sur soi-même, si l'on ne se ment pas trop..."
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