Le problème du premier degré, c'est qu'il brûle quand même un peu. Prenez le roman d'Alexandre Jardin, Joyeux Noël, dont l'édition en Livre de Poche s'offre en quatrième de couverture une "accroche" signée Eric Chevillard:
« Audacieux roman d’émancipation, ode à la sincérité la plus débridé."
Ceux qui connaissent un peu Chevillard auront frémi (et Chevillard lui-même en frémit aujourd'hui sur son blog l'autofictif), car ils auront reconnu dans cette phrase, en apparence élogieuse, un trait perfide lancé par l'auteur de Palafox au pénible écrivaillon de l'écurie Grasset. La phrase est en effet extraite d'un article cocasse paru dans Le Monde du 26 octobre 2012, article qui démolit avec humour la non-œuvre de Jardin – elle n'a donc rien de laudatif.
Bien sûr, on pourrait se dire que c'est de bonne guerre, et que l'ironie du sort connaît parfois le sort de l'ironie. Mais on peut aussi penser que, pour l'éditeur en question, peu importe que le bois soit vert et fasse l'objet d'une volée: c'est du bois, donc on doit pouvoir s'en chauffer. Autrement dit: la phrase n'est pas une branche, elle ne vient même pas d'une forêt, elle vaut juste par son sens premier, son écorce. Ce qui est révélateur. De quoi? Oh, c'est très simple: La langue est décorative. Elle sert à communiquer. Elle ne fait pas, elle dit. Ne nous embarrassons pas des nuances, de la rhétorique, de l'humour. Baissons-nous, ramassons et décorons. Et surtout, dans le cas présent, prions pour que personne ne remarque que la guirlande qu'on a suspendue est hérissée de pointes de barbelés.
Car enfin tout est là. Ce n'est pas tant le procédé qui est répréhensible que ce qui le sous-tend, à savoir l'espoir qu'avec un peu de chance personne ne s'en apercevra. Car pour s'en apercevoir il faudrait être un peu "averti", or le Livre de Poche – ou plutôt la personne qui a commis ce détournement – s'est dit que ça passerait, puisque, à ses yeux, le lecteur n'est pas un "averti" mais un simple chaland (et de prendre, accessoirement, le libraire pour un con, et Chevillard pour un mal-voyant).
Aidons-les et disons tout haut que Joyeux Noël est un chef d'œuvre digne de figurer sur nos étagères entre Finnegans Wake de Sacha Distel et La foire aux atrocités de Pierre Palmade. Allez, ne te gêne pas, cher LdP, reprend ma phrase pour ta prochaine réédition de Noyeux Joël !
Je quitte l'Autofictif pour me pencher sur ce Clavier. "personne ne s'en apercevra", autrement dit, "ni vu ni connu, j't'embrouille" Heureusement, il y a des veilleurs pour éclairer les pauvres lecteurs que nous sommes. Nous sommes aussi, à lire ces blogs, "mdr" comme l'écriraient nos ados.
RépondreSupprimerHahaha !
RépondreSupprimerC'est petit de s'en prendre gratuitement à Sacha Distel (qui est incapable de se défendre). Très petit.
RépondreSupprimerOh mon Dieu c'est une horreur !
RépondreSupprimerrhooo... ça va tellement avec l'époque... réversibilité des discours, des valeurs, du langage... miroitement infini...
RépondreSupprimerQuoiqui vous chagrince des dents dans tout ceci? Avons accepté jusque là que l'on nous serve des verres de couleuvres tant que dorées sur titre non? Alors de grâce, ne poussez plus cette porte Alexandre qui doit maintenant être au fond du Jardin depuis le temps qu'il sévit poissant l'étagère des écrivants avec la farouche bonne volonté d'un Mr Jourdain.Monde moche? Jardin nous concocte 1 ciguë estampillée "beau bonheur".
RépondreSupprimerNotre faute! Car, quand on accepte que des types qui se disent "gars à trottoirs" sans même le costume rayé de mac et socles bicolores qui vont avec se déclament "nouvelles avorteuses", et exhibent des aiguilles à tricoter la seule sottise grimée en rébellion lyophilisée, on doit aussi admettre qu'à un moment, il nous a glissé entre les yeux, et l'esprit, le moment où nous aurions pu refuser que l'on nous prît pour des ânes définitivement.
Mais, à très bon compte, nous avons laissé d'autres élargir encore plus les limites déjà inacceptables, alors, nous nous retrouvons cernés! Cernés par des haut-parlants parlant fortement le creux, l'imbécile, le paralogisme. Ainsi, le "vu à la télé" est devenu le certificat de capacité à offenser toutes les intelligences, et toute la culture.
Toutes les possibilités de délits sont habillées soudain du costume "d'opinion,puisque nous sommes en démocratie".
Ainsi une ministre cependant pas Baker version Joséphine se retrouve sur la place publique, parée de peaux de bananes dans lesquelles se prennent les pieds et nos sens, et notre amour de l'intelligence, mais où se vautrent aussi LA République, et tous les Schoelcher et Hugo de nos mémoires.
Donc, à ce stade, devons admettre que nous avions dèjà, au moins par inadvertance, sinon par prétention laissé "le bouquin de poche" nous faire celles de notre méfiance et nous fiche des tas de "quatrième de couv" frelatés sous les yeux, nous promettant des voyages "ziconoclastes" sensés déblayer pour nous des chemins de traverses dont nous ne soupçonnions pas qu'ils deviendraient un jour de Canossa pour des retrouvailles avec nos intelligences vraies et nos sensibilités abandonnées parceque des fois exigeants oripeaux qui nous empêchaient de courir plus vite vers des plages où l'on nous promettait des transcendances permanentes dans le nudisme des cerveaux. Mais ce nudisme-là se révèle de très mauvais aloi avec gras corps et ventres mous. Et soudain, on se rebiffe! Un peu tard! Mais faut pas désespérer.On est encore capables de repérer Jardin Alexandre essayant de nous faire biser des derches de singes comme Fanny. On voudrait se rincer les yeux, mais nos larmes ont fumé de l'escampette, ou se sont réduites en poudre à choquer les narines pour "ne plus voir voir ça" avec les yeux du jour. On se laisse prendre au jeu de la fuite de la réalité et alors, tombe la lune et nous voici insomniaques devant des horreurs à réciter en comptine: Christian Jacq, Marc Levy, Guillaume Musso,Paulo Coelho, Alexandre Jardin etc... et Bzzz et bzzzz. Forêts ratiboisées! Silence! Les gens z'à succès écrivent! Faut imprimer!
Avons laissé fabriquer la culture que nous méritons aujourd'hui. Elle tombe des rotatives lourde comme une enclume et nous essayons de lui opposer un questionnement diapré d'écarquillements d'yeux devant tant de générosité à nous fourrer dans la gorge sans envie aucune.
Harponnés? Empalés! Tombons les pétales. Alexandre est dans notre jardin! Bien fait pour nos têtes! Il ne reste plus qu'à porter des vêtements de bagnards! Lisses! Sans poche! Rien dans les mains? Rien dans les poches alors! Non plus! Vengeance!
Et bien fait pour Chevillard! Ca lui apprendra à foutagedegueuler sans apposer le bandeau avertisseur à l'intention des remplisseurs de poche! Les maisons d'édition éditent et surtout sabrent et recopient ce qui est écrit!