mardi 22 avril 2025

RETRADUIRE GREENE: ÉPISODE 10


• ÉPISODE 10 – DES PHOTOS QUI FONT DORMIR ? 

 Au début du roman, on découvre le meublé où vit le personnage principal. Il est question des rares effets personnels qu’il possède : un paquet de cigarettes, une brosse à dents et, dans une boîte en carton, des somnifères. Bizarrement, dans la traduction de Sibon, ces « somnifères » sont devenues des «photographies »… L’erreur semble purement factuelle et pourrait être anecdotique, mais quand on sait l’importance du rêve et du sommeil dans le roman, elle est évidemment gênante… 

Il faut ici préciser un détail qui a son importance : la traduction française a été faite à partir de la première édition de 1943. J’ai réussi à me procurer la première édition de The Ministry of fear : Concernant le mystère des « photos-somnifères », voici l’explication. Dans la première version, Greene n’utilise pas le terme « sleeping-pills »(qu'il utilise dans sa version révisée) mais celui de « bromides ». Or « bromides » signifie « bromure ». Il s’agit en ce cas du bromure de potassium, un puissant sédatif, et non du bromure d’argent, un composé utilisé pour la préparation d’émulsions photographiques, le terme ayant fini par désigner toute épreuve photographique sur papier sensible… Or le fait que Rowe recourt à des sédatifs est capital : en effet, tout le roman fonctionne comme si Rowe errait dans un cauchemar, allant d’un asile psychiatrique à un autre, et en outre le livre revient souvent sur la fragile nuance entre rêve et sommeil.

Allons, réconcilions les deux traductions, et admettons qu’après tout un somnifère est un puissant révélateur…

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