Les livres, on l’a dit, jouent un rôle important dans Le Ministère de la Peur. Il y a bien sûr Le Petit Duc de Charlotte Yong, que Rowe achète à la kermesse et qui fournit au roman les exergues de ses chapitres. Il y a un « atlas désuet », que Rowe acquiert peut-être également à la kermesse. Il est fait mention au chapitre 2 de deux ouvrages de Dickens, Le Magasin d’antiquités et David Copperfield, que Rowe relit sans cesse, qu’il connaît par cœur, moins parce qu’il les apprécie que parce qu’il les « as lus enfant et qu’ils ne charrient aucun souvenir adulte ». Une certaine Histoire de la société contemporaine figure dans un rêve de Rowe, composée de centaines de volumes. A un moment, Rowe se réfugie dans une salle des ventes et se cache dans la section livres : on croise alors des romans de Walter Scott, « les pages libidineuses d’un Brantôme illustré », un missel romain. Le dernier chapitre de la première partie met en scène un personnage étrange qui nourrit les pigeons et trône sur une énorme valise soi-disant pleine de livres (dont l’ouverture déclenchera l’explosion d’une bombe, comme si on était dans le film Kiss me deadly…).
A la maison de santé où Rowe est enfermé, là encore, quelques livres : Ce que je crois, de Tosltoï (avec des annotations effacées) ; Psychopathologie de la vie quotidienne de Freud ; une biographie de Rudolph Steiner ; Les Héros, de Carlyle. Vers la fin, il est question du Book of Golden Deeds, un autre ouvrage de Charlotte Yonge, et de Love in Orient, « un petit livre lubrique » bien vite déchiré par l’inspecteur Prentice. Et enfin d’un poème, qui pourrait servir d’épitaphe au « méchant » : un extrait du cinquième sonnet de la première partie des Sonnets à Orphée de Rainer Maria Rilke.
Tous ces ouvrages, si l’on y prend bien garde, joue un rôle dans le récit et mériterait qu’on s’interroge sur leur pertinence, le moment de leur apparition, etc. Pour toutes ces raisons, il apparaît que Le Ministère de la peur est, à sa façon, un magasin d’antiquités dans lequel se dissimule, fragmentée, une étrange bibliothèque morale.
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