A piece of cake : c’est du gâteau. Autrement dit: rien de plus facile. Mais dans Le Ministère de la peur, rien ne va de soi, loin de là. Ça serait plutôt : C’est pas du gâteau — oui, car un gâteau n’est pas toujours un gâteau, comme aurait pu dire Freud, et ici le gâteau n’est pas un cake, plutôt un fake (même s’il est fait avec de vrais œufs, chose remarquable pendant la guerre à Londres). Un gâteau piégé. Qui contient, outre des œufs, quelque chose qui… Mais on ne le saura qu’à la fin du livre.
C’est donc une tout autre sorte de «piece of cake» dont Rowe écope : une part du gâteau. Il ne s’agit donc d’une simple histoire de gourmandise – apanage de l’enfance – mais d’usurpation involontaire. Rowe gagne un gâteau qui ne lui était pas destiné, comme s’il n’avait pas le droit d’acheter sa part d’enfance, un aller simple pour le paradis perdu. Car le gâteau est truqué : il contient un élément du monde adulte – mais quoi ? quelle fève redoutable se cache dans ce mélange d’œufs, de farine et de beurre, que tous veulent goûter (la logeuse de Rowe, l’inconnu qui s’incruste chez Rowe…)
Le lecteur devra avancer dans le dédale en ruines du récit exactement comme Rowe dans les rues détruites par le Blitz : en toute innocence/ignorance. Son somnambulisme, parce qu’éveillé, ne peut qu’aboutir à une déflagration. Au point que Rowe perdra la mémoire dans le Livre 2 : ne lui restent que des bribes de son enfance, dont il est désormais plus proche que de la réalité de la guerre, ce qui fait qu’il a oublié qui était Hitler mais se rappelle très bien ce rat dont il a dû, enfant, abréger les souffrances. Il est retombé en enfance, d’une certaine façon, ayant dérobé (à son insu) le feu (caché dans le gâteau) censé échoir à des adultes. Le gâteau remporté par Rowe était censé jouer le rôle de madeleine, mais que faire d’une madeleine quand pleuvent les missiles ? Avant d’y répondre, reculons, reculons, et posons-nous cette question que nous posions au début de cette série : Pourquoi les traductions vieillissent-elles ?
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