Arthur Rowe, une fois franchi les grilles de la kermesse – qui l’appelle comme un état d’innocence perdue – « the fête called him like innocence » –, après s’être acquitté d’un droit d’entrée au prix fort – on lui propose un rabais s’il attend un peu, mais il ne veut pas attendre, car le paradis perdu n’attend pas… –, entre alors en souvenir, car cette kermesse contient toutes les kermesses passées, elle est la condition de tous les possibles. Elle promet rien moins qu’un changement définitif de la vie ordinaire. (Et à cet égard, la guerre est perçue comme une fête monstrueuse qui redistribue toutes les cartes, altère tous les possibles.)
Voilà donc Arthur Rowe revenu sur les terres mouvantes de l’enfance où tout peut être remis en question. Et son premier acte fondateur est… d’acheter un livre, un ouvrage intitulé The Little Duke, écrit par une certaine Charlotte M. Yonge, un livre pour enfants qui, de façon quasi magique, ainsi que le lecteur s’en aperçoit très vite, va fournir au roman de Greene tous les exergues de ses chapitres – comme si ce qui était à l’intérieur était déjà à l’extérieur, comme si un élément intrinsèque au récit s’échappait des pages pour présider à leur déroulement. (On reviendra bientôt sur ce « petit duc ».)
Après cela, Rowe est pour ainsi dire ensorcelé, il n’a plus qu’à entrer dans la tente d’une diseuse de bonne aventure. Mais celle-ci l’avertit : elle ne prédit… que le passé. Tout l’art de Greene est là : inverser le sens du temps, chercher l’alpha dans les plis de l’oméga. Rowe entre en enfance dans la kermesse mais le voilà aussitôt changé en Orphée ; il se retourne pour contempler l’âge d’or de son innocence, et de ce fait semble vouloir abolir le crime dont il se sait – se croit – coupable, lui qui a dû tuer Eurydice pour lui éviter de mortelles souffrances.
On propose bien vite à Rowe de gagner un gâteau en devinant son poids. Un gâteau ? A cake ? Oui : tel est l’argument pâtissier de ce roman qu’on voudrait nous faire passer pour un simple roman d’espionnage.
Qu’est-ce qu’un gâteau ? Bonne question. A laquelle on se propose de répondre demain.
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