On sait que la première traduction d'Au-dessous du Volcan est due, dixit ses trois premiers éditeurs (Le Club Français du Livre, Buchet-Chastel, Folio Gallimard) à:
L'éditeur français de Lowry, Maurice Nadeau, s'est expliqué quant à lui sur l'aventure éditoriale du Volcan, le rôle de Max-Pol Fouchet, et sur sa volonté des années plus tard de proposer une nouvelle traduction de ce roman (il trouvait très naturellement que les traductions "vieillissent"), il a évoqué sa "commande" à Jacques Darras d'une nouvelle traduction, comment ce dernier s'en acquitta en trois mois, puis le jeu des agents et héritiers, et Grasset qui remporte finalement la mise. Si l'on aimerait en savoir un peu plus sur la collaboration du triumvirat originel (Spriel/Francillon/Lowry), force est de constater qu'elle est très étrange: un traducteur au nom anglais (Stephen Spriel), la trésorière et archiviste de l'Union des écrivains socialistes (Francillon), par ailleurs suisse et auteur Gallimard, et enfin Lowry himself.
"Stephen Spriel avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l'auteur".
Mais qui donc était Stephen Spriel?
C'est entre autres grâce à Philippe Curval, auteur de SF, qu'on en sait un peu plus. Car le mystérieux "Spriel" n'est pas pour rien dans l'aventure éditoriale de ce genre en France…
La SF entama sa carrière française grâce, on le sait, aux collections "Anticipation" au Fleuve Noir et "Le Rayon Fantastique" chez Hachette/Gallimard, mais grâce aussi aux critiques que publièrent à cette époque des écrivains comme Raymond Queneau (dans Critique !) ou Boris Vian (traducteur, rappelons-le, de Van Vogt) dans Les Temps Modernes. Or Vian n'était pas le seul à plébisciter la SF dans Les Temps Modernes: à ses côtés officiait un certain "Stephen Spriel".
Peu de temps avant, la libraire Valérie Schmidt, spécialisée en sciences humaines, avait organisé une exposition sur la SF, en liaison avec Jean Aubier, libraire de La Balance – exposition parrainée magistralement
"puisque Boris Vian, Raymond Queneau, Michel Pilotin (alias Stephen Spriel), Jacques Bergier, Jacques Sternberg, Jean Boullet l’appuyaient, la conseillaient pour certains, aidaient à la réaliser pour d’autres". [Curval, cf. ce lien]
Michel Pilotin? Le traducteur d'Au-dessous du volcan? Heureusement, la mémoire de Curval est là pour pallier l'oubli des grands pionniers:
"À l’inverse, Michel Pilotin, alias Stephen Spriel, également "savanturier", philosophe de formation, qui fit partie de la génération d’Antillais pétris de culture française, précédant Aimé Césaire, se révélait un brillant et fin causeur, à l’intelligence complexe et torturée. Durant toutes les années où nous nous rencontrions à la librairie, au café (où il buvait exclusivement du Noilly Gin), j’ai découvert grâce à lui l’univers de la science-fiction anglo-saxonne qu’il connaissait fort bien — puisqu’il l’avait déjà explorée avant la guerre — et dont il était un excellent analyste. Parmi les premiers, il avait saisi dès cette époque que son facteur spéculatif détenait en germe le pouvoir considérable de renouveler la littérature. Il le prouva d’ailleurs en publiant de nombreux articles, imposant Demain les chiens de Clifford D. Simak au Club français du livre et, sous sa direction, plus d’une quarantaine de volumes au "Rayon fantastique" qui comptent parmi les meilleurs. Pour lui, fin connaisseur de la littérature internationale, ami de Roger Caillois qui révéla Borges, le style était le facteur déterminant d’une œuvre conjecturale, sans lequel la Science-Fiction n’avait aucun avenir. "
Mais qui donc était le "savanturier" Pilotin, celui que Vian appelait "Frère Michel" dans ses lettres, Antillais féru de SF qui s'attela en français au roman "mexicain" d'un auteur américain…
A suivre sur Le Clavier Cannibale…
On attend la suite avec impatience...
RépondreSupprimerditto...
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