Qu'on déteste ou qu'on n'aime pas les livres de Jonathan Franzen, qu'on estime ou qu'on soit persuadé que chacun de ses livres est meilleur que le suivant, qu'on ait lu ou relu sa pitoyable diatribe contre Gaddis, force est de reconnaître qu'on a là un écrivain sûr de lui au point de donner régulièrement des leçons d'éthiquette [sic] à ses pairs. On connaissait déjà son mépris des réseaux sociaux, dont le rejet de Tweeter n'est qu'une facette. Ne voilà-t-il pas qu'il se fend aujourd'hui (enfin, hier…) de cette déclaration étonnante:
"[Je réserve mon respect pour] les gens qui sont devenus écrivains parce que le caquetage, le tweeterage et les rodomontades leur ont paru des formes intolérablement creuses d'engagement social."
Hum. Comment dire, Jonathan ? Il existe sûrement d'autres raisons de devenir écrivain que la haine des réseaux sociaux et du papotage. Dans un article très remonté publié par le Guardian (en fait un extrait de son pensum à paraître), il se lâche, en se prévalant de l'ombre tutélaire de Karl Kraus. Et avoue sa déception en apprenant que Rushdie, "qui vaut mieux que ça", vient de "succomber à Tweeter". Il trouve regrettable également que le magazine N+1 ait qualifié la presse écrite de "gravement masculine". Franzen est un homme d'idées. Son style à lui, c'est l'opinion. On n'en doute pas.
Comme l'a fait remarquer l'écrivain Jennifer Weiner, que tacle Franzen au passage, le petit Jonathan ne semble pas s'offusquer quand son ami Jeffrey Eugenides pose avec James Franco, ou pose pour Vogue, ou confie ses préférences pour les Oscars au New York Times, ou se retrouve sur une affiche géante à Times Square. Oui, Franzen conspue l'auto-promotion mais apparemment il fait des exceptions. Omniprésent dans la presse, il distribue les satisfecits selon le degré d'ombre que les autres lui font. Notons au passage que son édifiant (et rasoirissime) article se termine par une offre promotionnelle pour acheter son livre. Cool.
Bref, tout ça n'est pas très cohérent (ni passionnant, je dois bien l'avouer). D'autant plus que Franzen semble le reconnaître lui-même, sans doute involontairement, quand il écrit:
"L'apocalypse est peut-être, ironie du sort, toujours individuelle, toujours personnelle."
On ne te le fait pas dire, Jonathan, ô, âpre goéland des lettres.
(Et sinon, pour ceux qui se posent la question, oui, le Front National est bel et bien un parti d'— —.)
J'en ai de la chance : grâce à votre blog, j'apprends chaque jour quelque chose. Je ne connaissais pas Franzen.
RépondreSupprimerOui, un goéland qui fiente sur les autres, loin d'un Albatros. Le guano n'est pas le meilleur engrais pour les idées.
RépondreSupprimerJ'ai lu 50 pages de cet auteur, et j'ai jeté le livre: rarissime de ma part. C'était totalement vain.
RépondreSupprimerEmmanuelle Tricoire.
Pas jeté le livre, coupable de ne savoir à ce moment en saisir l'essence, une habitude à croire que ce qui ne se lit pas résiste à ma tentation de lecture mais je l'ai perçu bavard, trop bavard.
Supprimer"Twitter" (substantif) et "tweeter" (verbe).
RépondreSupprimerJonathan, ô, âpre goéland des lettres, hahaha
RépondreSupprimer