On ne dit peut-être pas assez la part de vertige qui entre en jeu dans l'acte de traduire. Car cet acte pour le moins étrange (Shiva serait sa vraie patronne…) ne fait pas tant appel à la raison, au savoir, qu'à un sens du court-circuit. C'est comme de plonger la main dans un miroir liquide. On ne procède pas par étapes (quoique…), on essaie de sauter d'une marelle l'autre, d'un code l'autre, de passer de points noirs sur fond blanc à la notion de visagéité, et, surtout, et c'est là je crois le sens profond de la traduction, de ressentir le corps-source. Traduire, c'est devenir de façon fulgurante et ectoplasmique l'Autre, découvrir en un éclair plus ou moins suspendu dans son propre orage, le coup opéré par la foudre-langage. D'où le vertige. La peau mue, tombe, vous la piétinez avant même d'en identifier la couleur passée. On ne transpose pas (quelle horreur!), on extorque la traduction au texte en mal de traduction. Car il est là, le texte traduit, enfoui dans l'original, comme une promesse nichée dans une menace. Pour ça bien sûr, il y a une condition: prendre son ego et le rouler entre les doigts comme une morve sèche , puis le coller discrètement sous le plateau de la table où l'on ne mangera plus. L'image, j'en conviens, n'est pas très chic. Mais la langue ne sert pas qu'à coller des timbres sur des cartes postales qu'on oublie d'envoyer. Un travail bien léché: à cela j'aspire de toutes mes muqueuses. Et si ça peut arracher un petit soupir de temps en temps, tant mieux. Pynchon, c'est la grande partouze cosmique. Et ce n'est pas Flaubert qui dira le contraire.
Sûr que pour certains travailleurs acharnés, disposer des trois paires de poignes de Shiva, ce serait le pied! (la sous-direction de contrôle des affaires centrales humoristiques s'excuse pour ce jeu de mots déplorable - un rapport sera pondu, le coupable sera pendu - après décision de la commission des assonances trébuchantes)
RépondreSupprimeréhop ! copypasté ! (en prévision de "vers la grâce - volume II" )^_^
RépondreSupprimerJ'essaie d'entrevoir le rapport entre les valeurs véhiculées par Shiva, qui au sein de l'hindouisme incarne la destruction mais aussi la rénovation du monde (voir sa création et son soutien pour les shivaïtes pur jus) et la traduction, mais je ne suis pas certain d'y voir clair.
RépondreSupprimerS'agirait-il de mettre à bas le texte source afin qu'il puisse renaître en une autre langue, se continuer dans l'altérité ?
hummm ?