jeudi 4 octobre 2007

Pynchon Par la Presse


Afin qu'on gagne du temps, je propose de rédiger d'ores et déjà dorénavant un modèle d'article sur Against the Day, qui pourra servir aux journalistes. Gain de temps. Comme ça, on évitera surprise et déception. Donc, voici un gabarit pour les fins critiques, avec possibilités de variantes en fonction du degré d'ignorance et d'incompétence.


"L'homme invisible/énigmatique/l'auteur le plus discret au monde nous revient, neuf ans/dix ans/près d'une décennie après l'hénaurme/le complexe Mason & Dixon, avec un non moins gigantesque/monstrueux opus intitulé Jusqu'au jour/Contre le Jour, dans une traduction de l'indécrottable/l'inévitable Claro. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce monstre/ce livre ne se laisse pas facilement résumer/raconter. Pléthore de personnages hauts en couleurs/exotiques/étonnants, autant de lieux qu'en peut recéler la planète, plusieurs époques, différents genres littéraires qui se poussent du coude… On reste désarmé/pantois/fébrile devant tant de richesses, certes un peu trop fortes en calories, mais non dénuées de naïvetés touchantes/de fulgurances. On ne tentera donc pas ici de raconter ce qui se passe dans JJ, et l'on préférera dégager/souligner/révéler les grandes lignes de la narration/du récit. Il est beaucoup questions d'anarchistes, de hors la loi, de cow-boy au grand cœur, de savants fous et de mathématiciens. Une fille épouse l'assassin de son père, des adolescents voyagent dans l'espace et dans le temps comme des personnages tout droit sortis de Jules Verne, il y a un chien qui parle… bref, l'auteur une fois de plus a lâché la bride d'une imagination que rien ne borne, et l'on peut regretter qu'il ait fait si long. On se perd rapidement dans ce dédale, l'émotionn n'est pas toujours au rendez-vous, cela sent un peu trop la pyrotechnie. Les phrases – mais c'est peut-être dû à la traduction… – sont souvent si alambiquées que le lecteur renonce à en défiler l'écheveau retors. L'exercice est impressionnant, certes, mais peut-être vain. Baroud d'honneur d'un vieux maître gaspillant ses dernières cartouches? Feu d'artifice faisant plus de bruit que d'effet? Bien courageux celui qui ira au bout de ce fastidieux voyage, bourré d'incohérences, de longueurs et de digressions. On lui préférera le nouveau Franzen qui sort en même temps, intitulé Pourquoi j'ai écrivé ce livre, sobre méditation sur les pastèques du Missouri qui déclenchèrent sa passion pour l'écriture."

Hum, j'ai peur hélas que la réalité dépasse cette fiction…

9 commentaires:

  1. Classe, ça donne envie de lire la presse.
    (Ils ont quel âge dans la confrérie des casse-cou au fait ? Je veux bien que St Cosmo soit plus vieux que les autres et que Suckling soit le plus jeune, mais je n'ai aucun souvenir précis de leur datation.)
    (le titre n'est pas encore déterminé ?)

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  2. Est-ce qu'on a le droit de dire que, en dépit de toutes les explications philologiques, on préfère, pour une bête raison de claquement sonore aux oreilles, "Contre le jour" à "Jusqu'au jour"?

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  3. Merci, Maître ! Grace à ce(s) pisces de papier(s) mon avenir dans la presse critique pressée est assuré.
    J'hésite encore pour la signature :
    NK ?
    FB ?
    Ou un plus sobre NKFB ?

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  4. Tu es dur avec Franzen ;). J'aime bien le personnage, c'est un chieur absolu, un râleur et j'aime beaucoup ce qu'il écrit (sa Discomfort Zone est assez passionnante à mon goût), même si je comprends que l'on ne puisse pas du tout accrocher...
    En tout cas pour ce qui est de "Contre le Jour" (c'est vrai je trouve que ça sonne mieux), fais un copyright sur ce que tu viens d'écrire...ça te fera de l'argent de poche au moment de la sortie...

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  5. Il ne faut jamais lire les critiques avant de lire un ouvrage; c'est mortel! N'ai pas pu m'empêcher de lire çà et là, à travers Le tunnel de Gass, Against the day qui me nargue depuis mon bureau. Étrangement, en guise de version française, je verrais bien Contrejour ou quelque chose clair-obscur...

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  6. Si j'ose dire un mot ici, lu sur le blog de François Bon :
    "Le mieux ç’aura été la semaine dernière, d’un « grand » quotidien de province : « J’ai feuilleté votre livre, chaque fois qu’on ouvre une page c’est drôlement bien… »"...

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  7. Apparemment c'est un métier...

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  8. Euh, moi je ne fais que passer et je voulais juste savoir ce que pensait Claro de "L'homme qui apprenait lentement", récemment réédité en poche.

    Voilà.

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  9. C'est bien connu, "il n'y a que les imbéciles..." (et les autres aussi d'ailleurs), et donc après réflexion je me range finalement à "Jusqu'au jour", qui a le mérite d'être "sémantiquement" (sic) correct.
    Quant à "L'homme qui apprenait lentement", je l'ai feuilleté aujourd'hui même, et j'ai trouvé la préface (l'autoportrait du Pynch, tout de même!) traduite d'une façon tellement abominable (on croirait que c'est un gamin de douze ans qui écrit) que j'ai reposé fissa le bouquin sur son rayonnage.

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