mercredi 10 avril 2013

Et le navet vint

Google est un instrument contendant, ce qui ne l'empêche pas de piquer au vif. Il sert bien sûr à trouver des réponses à des questions – mon évier est bouché: dois-je le remplir d'essence et craquer une allumette? –, à faire le point sur certains points obscurs – comment appelle-t-on les habitants de Gradjanhanmakthapong? –, à vérifier qu'on s'y trouve un certain nombre d'occurrences (ta gueule Afflelou), à connaître la météo (oh, il a neigé en Islande!), à mater des photos de personnes connues (ou connes et nues), à rechercher une citation (le syndrome du Gaffiot), bref, Google sert à tout et fait assez mal le reste. Mais bien sûr, l'utilisation la plus répandue, et la plus instructive (et la plus cruelle, parfois) en termes de "recherche", c'est celle qui consiste à taper plusieurs mots pour voir ce que ça donne. Genre: fromage + balzac + concaténation. On trouve toujours quelques milliers de réponses, c'est rassurant. Ce petit jeu est-il innocent? On l'ignore. Je me suis donc amusé à taper deux mots qui en apparence n'ont rien à voir: navet + littéraire.
Bon, première réponse, la liste sur Amazon.fr d'un lecteur (client?) qui ne doit pas raffoler de Musso, Levy, Gavalda, et consorts. C'est amusant, en soi, sauf que c'est un site pour acheter des livres, donc faut quand même faire gaffe à pas déconner côté option one-click.
Deuxième réponse: l'article Wikipédia sur "navet", avec sous-groupe: le navet dans la littérature (au sens propre, hélas). Raté. Le haïku sur le navet est assez fade, faut reconnaître.
Troisième réponse: Un article du site evene.fr sur la rentrée 2012. Gageons qu'il sera réactualisé d'ici un an.
Quatrième réponse: Un article dans allo ciné où un quidam se demande si Le Chien des Baskerville (le livre) ne serait pas un navet littéraire. Bizarre, non?
En cinq, un truc encore sur le cinéma, avec parallèle littéraire (la courge serait au cinéma ce que le navet est à la littérature). On s'interloque.
Bon, on sait que la hiérarchie dans les réponses Google répond à des paramètres qu'un simple cultivateur de navet (ou un banal écrivain) ne saurait comprendre. De sombres explications mathématiques, de rudes diktats informatiques, bref, des trucs en -ique justifient l'ordre de pertinence des réponses.
Cela dit, on aurait quand même préféré que Google nous oriente directement vers la réponse qui nous intéresse. A savoir: pourquoi le navet plutôt qu'un autre légume? Mais personne ne semble savoir l'origine de cette expression. Alors du coup, je m'y suis collé. Eh bien, les amis, oubliez le légume. L'expression  a été forgé à partir d'un certain Louis-René-Marie Navet, né en 1875, à Arras. Ce brave monsieur était libraire de profession, et avait constaté que les livres qu'il vendait le plus était souvent les plus mauvais. Ayant quelques problèmes financiers, il avait donc banni de ses étagères tous les livres qui ne se vendaient pas (ou peu), pour ne garder que le gratin, si l'on peut dire. Très vite, les gens du quartier où il sévissait, prirent l'habitude de se demander: Tu lis quoi? Et chacun de répondre: Un Navet. Autrement dit: un livre acheté chez Navet, et dont on avait bien compris qu'il n'était pas de la meilleure fraîcheur littéraire. L'expression a eu le succès qu'on connaît, même si sa plus grande gloire a été cinématographique. 
Dorénavant, quand vous lirez un livre de facture médiocre, pensez à ce brave Louis-René-Marie Navet, imaginez-le reclus dans l'arrière-salle de sa librairie poussiéreuse. Ayez également une pensée pour sa fille qui prit sa suite et officia plus de cinquante ans. Hélas, celle-ci se remaria très vite, et perdit donc l'élégant nom de Navet. Oui, car elle épousée ce nigaud  de Fonche. Le pas très malin mais très besogneux Fonche. Fonche comment? Oh, son nom de famille est un peu difficile à retenir, mais avec quelque entraînement vous y arriverez: Fonche Yéaveklheur-Ptibijoucyzlé.
Oui, je sais: Arf.

5 commentaires:

  1. Et moi qui étais persuadée qu'il se prénommait Charles-Louis ...

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  2. Google est aussi un instrument contondant qui nous apprend que le Littré en 1880 accepte ainsi cet énigmatique adjectif contendant : qui débat, se dispute avec un autre... un terme qui ne figure plus dans le Larousse, tout du moins pas le mien...

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  3. Pouvais pas écrire ce billet il y a deux jours ? J'aurais su quoi répondre au fiston qui argumentait contre les navets dans le couscous.

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  4. E la nave va... e viva Fellini !

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