En 80 pages et 16 courts textes, Julian Herbert
réussit à t’arracher à la tête, à la remplir de poudre blanche et la faire
marcher à reculons sur un air de Cat Stevens: ça s'appelle Cocaïne, manuel de l'usager, tout simplement. Comment est-ce possible ? La
première condition est la suivante : ne pas croire qu’une chose telle
qu’un « perfect day » puisse exister, en tout cas pas au Mexique
si tu as les poches trouées et les narines exigeantes. Deuxième condition :
quel que soit le degré d’avilissement promis par la drogue, sache que la poésie
est la meilleure overdose qui puisse t’arriver. Le vécu peint par Julian
Herbert est un concentré de déchéance et d’espoir, un cocktail qui n’explose
que dans les veines et dans l’arrière-boutique obscure du souvenir. On a là un
héritier de Brautigan passé à la moulinette Burroughs, le tout arrosé de
mezcal, c’est-à-dire un art du récit déchiré tout en stupeurs et vertiges, où
l’on entend crisser néanmoins le verre pilé de la fantaisie (note du bloggeur: ces images sont libres de droit). Dérèglement des
sens ? Intermittences du réel, à coup sûr. Le narrateur de Julian Herbert,
jamais le même, toujours le même, tantôt Sherlock tantôt vraie loque (on trouve
les deux dans ce recueil, ce n’est donc pas un simple jeu de mots…),
pourrait être un personnage chu d'un livre de Vollmann, avec ses addictions qui l’aident à
supporter la fâcheuse crudité du jour. Mais surtout, l’anti-héros herbertien,
malgré les bourrades du principe de réalité (vis, survis, tombe), continue de se poser des
questions, d’envisager des hypothèses, de formuler des souhaits, telle une
étoile n’ayant pas eu vent de sa disparition il y a des milliers d’années,
puisque, force est de constater, quelque chose brille encore dans l'humain fumier :
« Je me demande si cette fois-ci je pourrai me redresser, détourner les yeux du plafond et m’envoyer les deux lignes qui me sortiront de cette overdose de vie ordinaire. Soudain, j’ai envie d’être des milliers de pieds au-dessus de l’Atlantique, une Heineken à la main devant des films danois sans sous-titres, en train d’avancer à 800 kilomètres à l’heure. »
Bon, alors, 13ème Note éditions, à quand la
prochaine défonce rutilante de Julian Herbert ? On est accro, nous,
maintenant, c’est malin.
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Julian
Herbert, Cocaïne, manuel de l’usager,
traduit de l’espagnol (Mexique) par Jeanne Chevalier (13è Note éditions, coll.
Pulse)
ça donne vraiment envie d'en savoir un peu plus
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