lundi 28 mars 2011

Pour tout te dire


Ce qui n’est pas possible, tu le fais.

Ce qui est impensable, tu y réfléchis très très sérieusement.

Ce qui est douteux, tu te permets de l’envisager.

Ce qui est dangereux, tu n’hésites pas à le risquer.

Puis tu te reposes, parce que le repos fait partie de tes très nombreux talents. Un jour passe. Suivi d’un autre jour, légèrement différent, mais tout est relatif. Un défi se présente, tu le relèves. Tu vas de l’avant, et l’avenir semble aller moins vite que toi, c’est comme s’il reculait, ce qui t’arrange au final. Tu offres ton sourire aux possibles, à presque tous les possibles. Parfois ils te le rendent, parfois ils ne comprennent pas et esquissent une grimace que tu effaces avec une éponge ou un rasoir, c’est selon.

Quand le froid se fait sentir, tu sollicites la ferveur des volcans, et si les volcans te refusent leur ferveur, tu te débrouilles, tu taxes la poésie, les amis, tu armes ton chien et le noie dans sa rage.

Quand le gel s’abat sur toutes choses, tu sors ton transat à rayures noir et rouge et tu lis des récits d’exploration à forte teneur érotique.

Un jour tu tombes sur un os – tout de suite, tu penses moelle, gros sel, tartine. Tu manges l’os, ou l’os te mange, ce n’est pas très clair, mais peu importe, c’est un festin comme un autre. Un os comme un autre.

Un autre jour, on t’accuse de vouloir renverser le gouvernement de soi par des moyens que même les plus ineptes révolutionnaires n’oseraient cautionner. Tu t’engages comme avocat et après une plaidoirie très rock and roll tu réussis à faire coffrer tout le tribunal.

Les années passent, mais toi tu continues à siroter le même petit verre de vodka, à grignoter la même petite part de quiche, à trahir les mêmes hommes et les mêmes femmes.

Ton glaçon a gardé la forme, il ne fond pas.

Un accident terrible se produit, dans lequel tu es impliqué. Tu comptes les victimes, feins de panser les plaies, et tu trouves même le coupable qui ne te ressemble pas.

L’été arrive, à petits pas paraplégiques. Tu le pousses aux extrêmes, c’est-à-dire aux pôles. Le niveau des eaux montent, et tu t’enrichis en vendant des arches et en lançant un parfum du nom de Noé.

Certaines pulsions te semblent ne pas prendre en compte la dualité de l’être humain, et c’est bien sûr normal, du coup tu les transformes en vertu. Bizarrement : gros succès.

Tu vas de découverte en découverte comme si tu ne jouais pas à la marelle.

Des dents te poussent au fondement, tes cheveux saignent, toi tu dis que la santé passe avant tout, avant même le goût de vivre.

Tu ne pars jamais, ou bien très loin, dans d’ahurissantes contrées proches du coma.

Une fille t’offre du feu, ce n’est pas la première fois, tu l’emmènes au cimetière et tu l’effraies et la ravis à proportions égales en lui montrant ta tombe.

Tu n’écris jamais de livres, jamais : les livres ne te traversent jamais l’esprit, ils te servent juste de projectiles dont tu es, sans doute, la cible. Tout cela ne peut pas durer et de tous tes vœux tu appelles la fin du monde mais à une échelle raisonnable. La chose étant possible, tu mets le paquet, avec le résultat qu’on espère tous un jour ou l’autre.

Puisqu’il faut changer, tu changes. Tu compiles les timidités, tu t’aventures au bord de l’autocritique. Désormais, on te confond avec tes ennemis, c’est plutôt agréable mais ça ne suffit pas. Tu veux moins, tu aspires à trois fois rien, ton appétit-néant est une bouche qui n’en peut plus, un cercle jaloux de son centre toujours trop loin.

Tu commences à retrancher et, ce faisant, ta chair te joue des tours. Elle se moque de toi. Ce qui te donne d’excellentes raisons de la foutre au placard.

Tu ne veux pas d’un monde abstrait mais tu ne veux pas non plus de conseils.

Les autres sont devenus monnaie courante.

L’habitude aidant, tu cherches encore les lumières, les bruits, les valses et les hésitations. Tu trouves tout cela, un soir, au bord d’un fleuve, dans une ville qui n’a pourtant rien de fluvial. Sans vraiment savoir si ce sont ou non des reflets, tu plonges. L’eau est à la même température que le ciel, ni noire ni banche.

Soudain, ou enfin, ‘il’ arrive —

Ce pourrait être un requin, un grand poulpe, n’importe quelle bête aquatique ouverte à l’idée de vengeance mais non, ce n’est pas ça. C’est autre chose. C’est ce que tu désirais depuis le tout début de ta puissance. C’est la pire chose que tu pouvais espérer.

C’est une façon de parler. C’est une façon de parler. C’est surtout une raison de se taire. Tu te tais. Et personne n’applaudit. Personne.

3 commentaires:

  1. Un très beau portrait (de soi en autre et de l'autre en soi).

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  2. Ciel des Fleurs Jaillir30 mars 2011 à 10:42

    Personne n'est rien puisque rien en est le commencement,les autres sont, c'est tout ce que j'espère, je n'ai pas la monnaie, ne compte pas, prenez une fleur à je ne sais quelle enseigne, pousse à l'incertaine, ça vivra,

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  3. Ciel des Fleurs Jaillir30 mars 2011 à 10:45

    Personne n'est rien car rien en est le commencement, les autres sont, c'est tout ce que j'espère, gardez la monnaie, je ne compte pas, prend une fleur, pousse à l'incertaine, ça vivra,

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