Etrange initiative que celle du magazine L'Express, qui invite au Bristol (c'est un restau d'hôtel, pas un rectangle carton) quelques-uns des écrivains (assortis de leurs éditeurs) "ayant eu les honneurs du palmarès des meilleures ventes en 2010". Caviar et château-malagar, pour l'anecdote. Comme si, de la littérature, on ne savait plus que fêter, non l'excellence ou l'inventivité, mais la performance en termes de vente, la capacité hippodromique à caracoler en tête, causant ainsi la curieuse concomitance, pour ainsi dire dans la même assiette, des frères Bogdanov, Stéphane Hessel, Patrick Lapeyre… (Certains des écrivains présents à cette dînette ont par ailleurs décliné un déjeuner proposé par Nicolas Anti-Clèves Sarkozy, ce qui tend à prouver que l'appétit a toutefois ses limites.) Etrange initiative, mais ô combien révélatrice, que celle qui lie à la même sauce romancier, caciques, phénomènes d'édition, journalistes.
Un best-off [sic]? Comme si, par un retour de bâton sucré, au prix d'un paradoxe à peine inavouable, les mieux vendus devaient leur succès à l'organe de presse qui par une liste établit l'exploit de leurs ventes. Et qu'il fallait célébrer de façon concrète, menu sur table, cette preuve sans faille, ce pompon indémodable, cette carotte suprême qu'emblématise, sonnant, trébuchant, voyant, le doux mot de "palmarès". A croire que refuser la défense et l'illustration du carton (au sens de tabac, rideau de fumée oblige) n'est plus aujourd'hui de mise, serait arrogance, distinction. Faut-il vraiment que les meilleurs ventent?
Mieux vaut encore squatter à la remise du prix Pudlo et jouer des coudes avec les vieux croûtons.
RépondreSupprimer