Un livre qui n'en est pas un, une indignation qui n'a que l'apparence de la dignité, des propos jetés par dessus une épaule voûtée: le fascicule de Stéphane Hessel ne semble exister que par le contraste entre son indigence intellectuelle et son formidable succès, un peu comme ce film sur les populations du nord de la France qui au moins a le mérite de faire parfois sourire. L'âge canonique et la respectabilité biographique semblent avoir formé ici une alliance invincible afin que passent (mais vite) des "pensées", à la fois d'ordre général (méchant capitalisme) et particulier (méchants Juifs), sans compter quelques considérations historiques qui permettraient tout juste à un bachelier d'épater son orteil gauche. Comme le fait remarquer non sans malice Eric Bonnargent sur le site L'Anagnoste: "Roberto Bolaño écrivait que 'même les pharmaciens cultivés ne se risquent plus aux grandes œuvres, imparfaites torrentielles, celles qui ouvrent des chemins dans l’inconnu'. » Effectivement, Homais aurait pu signer Indignez-vous.
On ne sait pas s'il convient (ou importe) d'en rajouter. S'il est même nécessaire de rappeler que, aussi charmant soit l'appel à l'indignation dès lors qu'il émane d'un presque centenaire, la pensée ne saurait être affaire de posture. Qu'argumenter ne nuit pas forcément à la vivacité de la dénonciation. Qu'un libelle a tout intérêt à bien désigner sa cible. Que "réaction populaire" et "terrorisme", quand on parle des Palestiniens, ne doivent pas forcément être confondus. Que passer de l'idée d'indignation à celle nation indigne est un peu cavalier. Qu'une phrase comme "[…] les risques les plus graves nous menacent. Ils peuvent mettre un terme à l'aventure humaine sur une planète qu'elle peut rendre inhabitable pour l'homme" ne permettrait même pas de caler une table où on ferait semblant de jouer aux dominos. Une fois de plus, c'est la dimension pharaonique du succès qui semble appeler un léger sursaut d'esprit critique face à cette enfilade de lieux communs et comateux. Comme si, par une ultime ruse propre à la démocratie, ce qui remporte les suffrages s'estimait au-delà de toute détraction. Comme si clamer des évidences et enfoncer des portes ouvertes c'était atteindre à l'universel, qui est comme tout le monde le sait l'ânerie la mieux partagée au monde.
Qu'un vétéran, au nom de l'esprit de la Résistance (plus que de la résistance de l'esprit…), exhorte les foules individuelles à s'indigner, c'est bien joli. Mais outre le fait que les Résistants ont fait heureusement autre chose que s'indigner, ce genre de sympathique hourvari est loin de faire office d'appel à la désobéissance civile. Quant à expliquer le fascisme par la seule peur du bolchevisme, ce n'est même pas réducteur, c'est crétin. Enfin, s'il ne fallait retenir qu'une phrase de ce petit-lait qui a moussé, ce serait celle-ci: "Il est évident que pour être efficace aujourd'hui, il faut agir en réseau, profiter de tous les moyens modernes de communication."
Dear monsieur Hessel, il ne vous reste plus qu'à tweeter – mais d'abord, bien sûr: Inscrivez-vous!
On ne sait pas s'il convient (ou importe) d'en rajouter. S'il est même nécessaire de rappeler que, aussi charmant soit l'appel à l'indignation dès lors qu'il émane d'un presque centenaire, la pensée ne saurait être affaire de posture. Qu'argumenter ne nuit pas forcément à la vivacité de la dénonciation. Qu'un libelle a tout intérêt à bien désigner sa cible. Que "réaction populaire" et "terrorisme", quand on parle des Palestiniens, ne doivent pas forcément être confondus. Que passer de l'idée d'indignation à celle nation indigne est un peu cavalier. Qu'une phrase comme "[…] les risques les plus graves nous menacent. Ils peuvent mettre un terme à l'aventure humaine sur une planète qu'elle peut rendre inhabitable pour l'homme" ne permettrait même pas de caler une table où on ferait semblant de jouer aux dominos. Une fois de plus, c'est la dimension pharaonique du succès qui semble appeler un léger sursaut d'esprit critique face à cette enfilade de lieux communs et comateux. Comme si, par une ultime ruse propre à la démocratie, ce qui remporte les suffrages s'estimait au-delà de toute détraction. Comme si clamer des évidences et enfoncer des portes ouvertes c'était atteindre à l'universel, qui est comme tout le monde le sait l'ânerie la mieux partagée au monde.
Qu'un vétéran, au nom de l'esprit de la Résistance (plus que de la résistance de l'esprit…), exhorte les foules individuelles à s'indigner, c'est bien joli. Mais outre le fait que les Résistants ont fait heureusement autre chose que s'indigner, ce genre de sympathique hourvari est loin de faire office d'appel à la désobéissance civile. Quant à expliquer le fascisme par la seule peur du bolchevisme, ce n'est même pas réducteur, c'est crétin. Enfin, s'il ne fallait retenir qu'une phrase de ce petit-lait qui a moussé, ce serait celle-ci: "Il est évident que pour être efficace aujourd'hui, il faut agir en réseau, profiter de tous les moyens modernes de communication."
Dear monsieur Hessel, il ne vous reste plus qu'à tweeter – mais d'abord, bien sûr: Inscrivez-vous!
ah ah! C'est bon! Je suis complètement indigné!
RépondreSupprimerce qui m'ennuie le plus c'est qu'il semble si extraordinaire aux gens de s'indigner, au point que l'on puisse s'en tenir là pour être un maître à penser, un "heureusement que vous êtes là"
RépondreSupprimerLes textes de mobilisation n'ont aucune ambition littéraire. Ils peuvent éventuellement ressasser des lieux communs, qui ne le sont que pour ceux qui sont déjà informés ou convaincus. Je pense que ce petit opus ne mérite ni le niveau de publicité qui lui a été alloué, ni les tombereaux d'injures qui ont tenté de l'étouffer. Que le propos même fasse réagir à ce point est le symptôme d'un affaiblissement généralisé et de l'esprit et du courage. De l'esprit, car soit cela ne vaut rien et alors pourquoi en parler, soit cela a du sens en dépit de ses limites et de ses maladresses et donc devait être publié (d'autant que dans tout le fatras publié et il y a plus urgent à conspuer). Du courage parce que l'injonction a servi de piqure à tous ceux qui sont tranquillement rangés dans leur petite case et ne prennent plus la peine de se mêler de quoi que ce soit, considérant le militantisme comme une vieille lune.
RépondreSupprimerContinuons à dormir camarades!
Avant toute chose, un grand salut fraternel, ça fait un bail, hein, je suis loin, dans tous les sens du terme, Dieu ( et/ou le Malin) seuls savent quand et comment on se reverra...
RépondreSupprimerPour ce qui est de ce pauvre Hessel, grandes furent ma surprise et mon inquiétude en te voyant pratiquement sur tous le points en plein accord avec Bonnargent ( lequel me dédia, fort perfidement, son papier, alors que tous mes proches savent bien que je n’ai rien d’un hesselien pur sucre et fanatique, loin, bien loin s’en faut...rsrsrs).
Les reflexions que ton article m’inspirent sont donc bien proches de celles que suscita le sien : brillant, provocant, insolent, surfant, non pas sur les vagues, mais sur les contre-vagues ( excuse-moi de n'avoir jamais bien saisi la différence...).
Pour ce qui est du fond des choses, si l'on avait VRAIMENT analysé, on aurait trouvé quoi? Que les grandes réformes pensées et mises en chantier à la Libération ne sont pas en danger? Que Sarkozy ne met pas en péril la démocratie? Que la finance, les OGM, le cancer, c'est bien? Que l’écart entre les pauvres et les riches n’augmente pas ? Que la gestion par Israël du conflit palestinien est irréprochable, ou même raisonnable ? Reprocher à Hessel de ne pas argumenter, très bien, cela se tient ; contester ces vérités ( peut-être un peu trop) d’évidence, c’est tout autre chose... Tout cela me fait penser à « L’Idiot International », qui fédérait des visions qui se disaient différentes, ou même opposées, mais qui se retrouvaient á ensemble fustiger les bien-pensants au nom de « l’anticonformisme », notion aussi floue et ambiguë que peuvent l’être le « boboïsme » et le « post-modernisme »...
Oui, tout à fait d’accord, la respectabilité n’a rien à voir avec la littérature, mais, d’un autre côté, faire totalement de ce qu’un livre « dit », exprime, au nom des seules qualités littéraires est tout aussi inacceptable : Jean Raspail écrit souvent « bien », est-ce que cela gomme le racisme assumé et avoué de bien de ses bouquins ?
« La politique n’est pas tout, mais tout est politique. La littérature est tout, mais tout n’est pas littérature. » - c’est ce que j’ai toujours pensé, je n’en démordrai pas, jusqu’à la fin...
Dans un tout autre ordre d’idées, je n’ai jamais eu peur de tremper mes mains dans l’acide, je le ferai à nouveau bientôt, et avec bonheur...