L'autobiographie de Nicolae Ceausescu, d'Andrei Ujica, 2010, 3h
La dictature roumaine mise à nue par elle-même. Une plongée en apnée dans vingt-cinq années de règne indivisible, composée uniquement de séquences filmées par et pour le pouvoir. Archives-propagandes.
Le parti pris d'Ujica est radical: ne montrer que la version officielle, en un montage accablant, sans commentaire critique, ne donnant à voir que la scénographie mensongère et à entendre que le discours lénininifiant et marxichiant qu'ânonne un Ceausescu enculté dans sa personnalité. Ça dure trois heures et c'est donc très long, mais ça permet de se faire une idée de ce que ça peut donner à une échelle historique sur vingt-cinq ans. Un champ sans contre-champ, donc, ou plutôt un champ sans hors-champ, puisque le peuple est bien présent, mais uniquement dans son rôle de figurant marionnette. Une vision amputée, un regard fixe de cyclope.
Ici, en Roumanie, tout n'est que luxe du faux-semblant, calme de la propagande et volupté de la manipulation. Discours officiels, visites à l'étranger, accueil des dirigeants étrangers, déplacements, interventions au parlement… rien ne nous est épargné. Tel un apparatchik usé par les rites momifiés de la doxa communiste, le spectateur oscille entre sidération et catatonie. Trois heures d'Histoire vidées de l'Autre. Le sur-moi du monstre froid dans toute sa cécité. Le rouge sans le noir. Et tout le temps, à chaque plan, un manque, une attente, une angoisse: ce qu'on ne voit pas, ce qu'on ne dit pas. Au début et à la fin du documentaire, en unique contre-point, les époux Ceausescu sont interrogés par ceux qui les ont détrônés. Les deux camps se renvoient un même mot pour définir que ce chacun ressent vis-à-vis de l'autre, un même mot pour dire et la vérité et le mensonge: mascarade.
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