Et si la meilleure façon de faire un portrait de femme, c'était de ne pas la raconter, et tant qu'à faire, de ne pas se la raconter? De la laisser conter. Et déchanter. Le film de Claire Denis – co-écrit avec Christine Angot – débute de près, de très près, par une scène de chair et de souffle, d'endurance, presque, où l'ardeur se mue peu à peu en impatience.
Pesanteur des hommes – celle, gavé d'assurance, du banquier; celle, tergiversante, de l'acteur de théâtre; celle, inconsistante, de l'ex-mari; celle du tendeur de perches, etc —et face à eux, malgré la précarité des affects et la soif de tendresse, une femme légère, trop légère peut-être à force de ne plus savoir où poser son cœur. Le désarroi filmé en mode souvent comique – conversations piégées par l'attente des corps, gestes arrêtés par les mots de trop. Au centre des valses-regrets et des hésitations-remords, donc, une peintre qui perd pied mais rebondit d'autant, Isabelle, jouée par une Juliette Binoche sismographique, dont le visage enregistre imperceptiblement les moindres écarts de température sentimentale, ses yeux captant autant qu'émettant au milieu du grand bavardages des mâles.
La narration s'éclipse au profit des scènes, les paroles recouvrent les paroles, et la magie se réfugie dans le geste. Nombreux plans des pieds d'Isabelle, qu'on voit peindre en marchant sur sa toile ou ôter ses bottes comme on met bas un masque. Oscillant entre le carpe diem et le magno amore, une femme solaire qui veut la lune ou rien.
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