Je parle beaucoup de Michel Butor ces temps-ci sur le Clavier Cannibale, mais qu'on ne s'y méprenne pas. Il ne s'agit pas de faire son éloge: l'homme a plus de 80 ans et près de 500 livres à son actif. Il faudrait être cuistrissime pour le démâter ou l'encenser dans la pure tradition française du je t'aime-je te hais.
Non, si on s'intéresse ici à Butor, ou plutôt aux butor-travaux, c'est pour des raisons pratiques, des questions de travaux pratiques – parce que ces choses ouvragées par d'autres doivent servir, et non être juste passibles d'admirantes séances ou d'iniques critiques. Les livres sont des boîtes à outils. Qui ne s'en sert se rouille les mains.
Je lis donc Butor non pour me convaincre de je ne sais quelle victoire d'un pseudo Nouveau Roman – je suis prêt à me repaître d'un paragraphe de Romain Rolland en cas de disette… –, ni pour établir sa grandeur ou déclarer qu'il est un "géant de la littérature". Misère de l'éloge ! Lassitude de l'admiration!
M'intéresse plutôt le cambouis, les rouages, l'énergie, la dynamique, les fluides. (L'écriture fainéante a ses charmes, souvent liés aux voyages et charges diplomatiques, mais bon, elle a ses limites, qu'elle érige à son insu en clôture avec jardinet. (( Je ne passerai pas un huitième de vie à peigner Paul Morand ou tisser du Blondin.)) Laissons-le, ce jardinet, dans l'attente du bruit terrible des tondeuses dominicales autant qu'académiques.) Non, Butor, pour moi, en ce moment, c'est une hygiène. Un sport façon clavier. Palpation de ces gros volumes gallimardés qui datent des années 60/70/80/90 – oh quel entêtement. La question de la qualité, de la valeur existe, bien sûr – mais hors toute compétitivité, ça ne va pas très loin. Cherchons avant tout les outils qui nous permettrons de concevoir d'autres outils. Les livres ne sont pas des suites hôtelières dont il faudrait tester le confort alors qu'on n'y séjournera qu'un temps fort réduit. Non, ce sont plutôt des chantiers à texte ouvert, où ramasser boulons et prendre mesure. Des écrivains ont construit des engins sans mode d'emploi, à nous d'en faire de célibataires machines.
Comment ça marche,comment c'est fait où sont les articulations à quoi le mécanisme nous ouvre-t-il plutot que quel transport,quel onguent,consolation qu'est-ce que c'est beau joliment écrit poétique philosophique dépaysant!Super je déménage ,nulle trace d'aujourd'hui dans ces lignes,enfin des personnages que je ne risque pas de rencontrer au coin de la rue et qui serviront à ensevelir un moment aujourd'hui et demain!...Y'A (avec les deux mains en porte-voix)QUELQU'UN?
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