mardi 12 janvier 2016

Foenkinos : le caniche à la portée de l'Infinite

Faudrait-il, vraiment, ne plus jamais s'étonner? Doit-on, tout simplement, s'habituer? Telles sont les questions que je me pose parfois devant l'obscénité assumée par certains écrivains lors de leur parcours promotionnel. A ce petit jeu payant, on peut dire je crois que David Foenkinos vient de décrocher le pompon. En effet, il n'a rien trouvé de mieux que de déposer son immense talent papetier au pied des détenteurs d'une carte visa infinite.

On vous explique la chose, au cas où vous ne seriez pas détenteur d'une carte Infinite… Le 17 décembre dernier, de 19h à 20h30, à l'hôtel Saint James Paris, 43 avenue Bugeaud, dans le XVIème arrondissement, moyennant quand même 160 euros par adulte (on ignore si des enfants ont tenté de forcer l'entrée…), les détenteurs d'une carte Infinite avaient droit à une "rencontre littéraire" avec David Foenkinos, comportant les avantages (prononcez: "advantaidge") suivants: 1/ privatisation d'un salon de l'hôtel particulier Saint James Paris; 2/ échanges autour de la passion de l'écriture et de ses œuvres; 3/ cocktail champagne ; 4/ livre dédicacé par l'auteur ; 5/ groupe restreint de détenteurs de la carte Visa Infinite. 

L'événement, intitulé "en aparté", était ainsi résumé dans la brochure de la Société générale:
"Pénétrez le cercle très sélect du Saint James Paris, unique château-hôtel de la capitale, pour une rencontre littéraire des plus confidentielles. C'est au cœur de cette superbe maison bourgeoise, dans un salon entièrement privatisé, que le célèbre romancier David Foenkinos vous accueille en personne pour un moment d'échange privilégié. Reçu dans les meilleurs conditions, vous conversez avec l'auteur, de la façon la plus conviviale qui soit. Profitez-en pour évoquer avec lui, en toute spontanéité, l'amour dans son œuvre ou sa passion du jazz, sa méthode d'écriture ou encore la genèse de son roman Charlotte, prix Renaudot 2014. Agrémentée d'un cocktail champagne, la discussion promet d'être captivante."

Ah pardon, j'ai oublié de vous dire ce qu'était la carte Visa Infinite. C'est une carte de crédit de couleur noire, donc forcément hyper classe, qui offre certains avantages (liés bien sûr à des revenus certains), puisqu'elle vous permet de retirer, dans la limite du solde disponible de votre compte à vue
- jusqu’à 15 000 EUR par période de 7 jours sans dépasser :
-  4000 EUR par jour dans les distributeurs Société Générale, Crédit du Nord et à l’étranger,
- 1500 EUR par période de 7 jours dans les distributeurs de toutes banques en France
Vous voyez tout de suite le rapport avec la création littéraire, je n'en doute pas.

Bref, c'est la carte des grands qui ne mégotent pas, hein. Et qui ont pu ainsi, "en toute spontanéité", "échanger" avec David autour du destin tragique de Charlotte Salomon tout en sirotant une coupette de champagne, et en tripotant leur carte visa Infinite d'un air inspiré. Un échange "privilégié", comme ils disent à la Société générale. C'est bizarre, mais le mot "privilège" ne semble plus poser problème de nos jours. Serait-il devenu, lui aussi, hyper classe? En tout cas, choisir son lectorat en fonction de sa capacité de retrait, voilà qui est d'une élégance rare. 

5 commentaires:

  1. Oh p....! Déjà qu'il n'était pas dans mon top ( plutôt à la cave ) , mais là, il est mort ! Merci de l'info, je partage

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  2. Mais pourquoi tant de haine, pardi? Comme tous les grands écrivains, Foenkinos voulait toucher à l'infini. Cela faisait des années qu'il cherchait comment faire. Il avait même essayé d'y arriver à travers la littérature. La Société générale lui a enfin permis de réaliser son rêve d'enfance. Où est le problème?

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  3. François Médéline12 janvier 2016 à 15:38

    http://www.telerama.fr/livre/quand-l-ecrivain-joel-dicker-transforme-une-pub-automobile-en-roman-policier,134752.php

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  4. on s'en tape
    à la fois du pince fesse au château-hotel
    et de l'ecrivaillon

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  5. C'est marrant, quand je lisais le texte publicitaire, dans mon esprit, il s'est traduit automatiquement en quelque chose comme ça : "Pénétrez le cercle très à droite du Saint James Paris, unique château-hôtel de la capitale, pour une rencontre littéraire des plus droitistes. C'est au cœur de cette superbe maison de droite, dans un salon entièrement de droite, que le célèbre romancier David Foenkinos vous accueille en personne pour un moment d'échange de droite. Reçu dans les meilleurs conditions, vous conversez avec l'auteur, de la façon la plus de droite qui soit. Profitez-en pour évoquer avec lui, en toute spontanéité, l'amour dans son œuvre ou sa passion de la droite, sa méthode d'écriture ou encore la genèse de son roman Charlotte, prix Renaudot 2014. Agrémentée d'un cocktail champagne, la discussion promet d'être de droite."

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