vendredi 17 janvier 2014

Capitaine Koenig: un courageux libéral face aux cruels "petits libraires"

Après l'article qu'il vient de signer dans Le Point, je ne suis pas sûr que Gaspard Koenig devienne le chouchou des libraires. (On ne se penchera d'ailleurs pas ici sur le talent littéraire de cet écrivain, de peur d'attraper inutilement un lumbago cérébral.) En revanche, revenons sur les propos qu'il a tenus (un peu comme s'il s'agissait d'une torche, mais sans voir que la flamme était en train de roussir sa toge libérale) concernant le "marché du livre".
Outre un mépris affiché d'emblée pour ce qu'il nomme, en les parquant entre guillemets, les "pauvres petits libraires", il s'indigne qu'on considère le livre comme un "bien à part", au lieu de le confier à des "mains mercantiles": autrement dit, les auteurs se font avoir, et le coupable, c'est la loi Lang. Allons bon. Oui, car le roitelet Koenig a tout compris: alors que lui touche à peine 10% de droits sur la vente de ses livres, le libraire, bien que "petit" et "pauvre", palpe "plus du tiers du prix du livre"! Bon, faut-il expliquer à ce néo-libéral ce que l'équipe librairie du Grenier a pris soin de lui rappeler fissa, à savoir que:
"[…] ces 35 % (c’est une moyenne) de marge servent à faire tourner la librairie et qu’une fois les charges déduites (salaires, loyer, etc.), il ne reste qu’1,5 % de bénéfice net au libraire (marge qui est aujourd’hui la plus faible, tous commerces confondus)."
Et puis Gaspard de l'ennui oublie un petit détail, quand il se lamente sur ces 10% qui l'empêche de boucler ses débuts de mois: l'auteur touche parfois un à-valoir – je suppose que ça a dû lui arriver, puisqu'il publie chez Grasset… Mais ce n'est pas tout. Koenig se méfie des petits libraires, parce que ses derniers ne se contentent pas de vendre: ils lisent. Et donc préfèrent certains livres à d'autres:
"Ce qu'on voit : les pauvres petits libraires continuent d'assurer la diffusion d'auteurs confidentiels, qui autrement seraient exclus du marché. Ce qu'on ne voit pas : ils se trouvent finalement dans la situation des grandes surfaces vis-à-vis des agriculteurs, imposant leurs préférences et leurs tarifs. L'avenir est à la désintermédiation."
La quoi? La désintermédiation! C'est un "phénomène économique et commercial qui se traduit par la réduction ou la suppression des intermédiaires dans un circuit de distribution." Le libraire est un intermédiaire. En plus, il impose ses tarifs. Ah bon? Première nouvelle. Je croyais que c'était l'éditeur qui fixait le prix des livres. Bon, ce qui est grave apparemment, c'est que le libraire impose ses préférences. Non mais franchement, de quoi se mêle-t-il?! C'est scandaleux. Koenig est scandalisé, d'ailleurs. D'où sa sortie sur la "désintermédiation". Supprimez le libraire, et on pourra enfin acheter n'importe quelle daube écrite à un prix battant toute concurrence. Ce que Koenig se vante d'ailleurs de faire sur l'amazon anglais… Et notre économiste éclairé de conclure, sans rougir :
"Le livre aussi a droit à sa version low cost."
Oui, bon, Koenig a déjà fait tout ce qu'il pouvait pour imposer une littérature low cost, ce n'est peut-être pas la peine d'en faire profiter tout le "marché". Bref, on reste confondu devant tant de haine libérale à peine déguisée, tout entière tournée vers des libraires indépendants qui osent se préoccuper "d'auteurs confidentiels". Et que penser quand on lit une phrase comme celle-ci:
Ce qu'on voit : les pauvres petits libraires font partie de notre paysage familier et, en un sens, de notre culture. Ce qu'on ne voit pas : le monde change ! 
Franchement, Gaspard, tu crois vraiment que les "pauvres petits libraires", comme tu les appelles avec un rictus qu'on entend presque dans ton article, ne se rendent pas compte que "le monde change"? Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ton appel à l'abrogation de la loi Lang et le peu d'estime que tu portes à ces obscurs résistants au libéralisme qui s'enrichissent sur ton dos vont sûrement changer leur réception de tes prochaines œuvrettes. Mais peut-être n'ont-ils pas attendu de lire ton article dans Le Point pour se faire une idée de ta "valeur" sur le "marché"…

18 commentaires:

  1. Ce qui est amusant, c'est qu'il ne semble pas voir ce que son propos donne à penser de sa propre littérature. (C'est d'ailleurs la seule chose qui soit amusante.)

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  2. En tant que libraire, je peux me vanter de ne m'être jamais fait de la laine sur le dos de ce monsieur là...
    c'est à peine si je connais son existence (littérairement parlant).
    Par contre il me tarde que sorte son prochain roman, je sens qu'on va bien s'amuser !

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  3. Petit libraire ou grand libraire ou gros libraire bien gras, tu n'as qu'une chose à faire : achète en masse les livres du roi Queuenig et retourne-les aussitôt. Ils finiront au pilon, ce qui permettra à Gaspard, Melchior et tout le bazar de se plaindre du système destructeur. Mais au moins notre écrivain aura fait œuvre utile et pâte à papier pour d'autres daubes signées Grasset (dénuement)

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  4. Ah oui alors, merci Claro! Cet article m'est resté au niveau des amygdales (que je n'ai plus). Ce petit connard envoyé par le MEDEF mérite une paire de baffes. Tu les lui as parfaitement administrées. Passons à plus important – car n'est point Koenig qui veut, ou croit l'être de naissance.

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  5. tout à fait d'accord avec vous :
    http://www.emmanuelruben.com/archives/2014/01/16/28963111.html
    merci encore Claro !

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  6. Il ferait mieux de s'attaquer aux diffuseurs qui arrivent souvent à se gaver avec 50% du prix d'un livre, plutôt que de s'attaquer aux libraires... C'est vrai, l'auteur est un couillon payé au pourboire (j'en suis un, donc je connais le problème) et plutôt que de nous sortir la phrase toute faite : "le monde change" (il a toujours changé et changera toujours!) il ferait mieux de prendre son bâton de pélerin et de militer pour un meilleur statut des auteurs, dont tout le monde se fout à commencer par le Ministère de la Culture qui préfère s'intéresser aux droits audios et vidéos. Sans auteur pas de livre et la disparition des "petits libraires" n'arrangera rien à notre situation, bien au contraire.

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  7. En googlant "Koenig" on tombe sur un "robot pétrin multifonction" ; tout s'explique.

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  8. Il y a plein de petits lecteurs qui font de la résistance aussi, qui se tapent des kilomètres pour aller chez leur petit libraire commander le Cannibale, ou le Ver de terre, ou l'Autofictif, ou d'autres, qui seront prévenus dix jours plus tard sur leur petit téléphone que ça vient d'arriver et qui reprendront leur petite bagnole pour aller chercher leur petit paquet de livres, tout ça uniquement par pure idéologie : ils ne veulent pas alimenter l'esclavagisme pratiqué par le grand Amazon (ce serait pourtant tellement plus confortable!).

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    1. Ha ha ha !! C'est exactement le sport auquel je me livre. Une autre variante : traîner ses grolles dans les bibli, réserver un book, retourner le chercher, oublier de rendre les autres et repartir encore pour éviter l'amende. Les mollets des retraitées sont de fer.

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  9. Merci pour cette réaction, c'est réconfortant d'être soutenus par les auteurs.
    Et bien envoyé pour la littérature "low cost" !

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  10. Merci Claro!
    Catherine, pauvre petite libraire

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  11. Maxime LILENFELD18 janvier 2014 à 16:05

    Alors comme ça Koenig!!! Koenig...Koenig...HUE par son père, il tire tout de suite à dia pour se présenter KOENIG par maman, crochetant par là-même dans nos esprits une possibilité d'admiration pour une historique bravoure militaire de Maréchal! HUE eut fait coco! Et le déjà petit faiseur préparait sa biographie qu'il espère à venir avec rutilantes dorures et brandebourgs. Pour le moment, il ne se range que dans le rang des récipiendaires de cocardes et de beignes! Où l'on veut!
    Nous savons, pour avoir fait notre devoir de lecteurs (quelle douleur que cela parfois) que l'intelligence ne lui est pas naturelle. Il n'est pas non plus mercenaire; papa et maman n'ayant pas encore installé d'officine pour écouler de la délinquance d'Etat vers d'autres contrées. Quoique! Puisque le Gaspard est vice-président du Parti Libéral Démocrate, vit à Londres et travaille pour la BERD (banque de nos sous). Donc, le Gaspard sait très bien de quoi il parle quand il convoque pour essayer de nous convaincre les subventions "ruinesques" "déversées" avec une pipette bouchée aux "petits libraires" par l'Etat. Le Gaspard (on dirait le nom d'un genre de poisson) est un tel libéral qu'il sait dégoter toutes les planques subventionnées: 1- Papa fut dans le Magazine littéraire et Maman dans la critique du même corps, ce n'est pas la faute du petit, mais il a juste pris l'habitude de lire à l'oeil. Donc, quand il lui faut payer un livre, tout prix lui semble exorbitant! 2- Il émarge (quel tact!) chez Atlantico qui, comme tout organe d'information en France, est subventionné. 3- Il travaille à la BERD; le genre de banque financé par nos petits sous (donc aussi ceux des petits libraires) où les emplois sont un viatique accordé en majorité aux "recommandés par". En l'occurrence, dame Christine Lagarde a nanti son petit michard-à-cheveux. 4- Il est Vice-président du Parti Libéral Démocrate.Et avec quoi entretient-on un "politique" en France? Avec des subventions que l'on peut gueniller en dations,dotations et autres rations. Et Koenig le libéral est toujours repu! Par tous! Par nous!
    L'on ne peut pas attaquer ce Gaspard par le fond, il n'en a pas! C'est juste du duvet d'écume de la pensée libérale.La seule partie dont les parois vides d'intelligence du Gaspard peuvent se tapisser faute d'aspérités pour que s'accrochent des morceaux plus gros. Les "petits libraires" feront toujours l'immense volume de la culture que l'intalentueux Gaspard ne peut pas dégonfler. Ne lui donnons donc pas l'impression que sa bêtise peut faire peur. Nous savons encore rire! Puisque le Koenig nous offre sa tête de Kalebasse, de Kasserole vide, envoyons-lui des cuillères de plumes en fer pour qu'il se tape dedans. Surtout longues, très longues les cuillères. La proximité avec des buses comme celle-ci est comme celle avec la gale, elle provoque la contamination. Et avec Koenig on sait de quoi on souffrirait. C'est vrai, on parle(rait) de lui, qui applique la basique loi du gars du libéralisme qui veut émerger: dire des énormités! Et il est performant! Lui, dont le nom version Gaspard couve la moitié d'un oeuf; et il nous en pond un là avec son "nédito", mais tout petit! Une vengeance de cul de caille en terre d'autruches!

    Allons! Ne nous laissons pas avoir. Nous n'avons que trop essoré là cette pauvre berne du libéralisme. Laissons-lui quelque air pour des rires futurs. Il y avait un KOENIG à valeur de Maréchal, nous avons maintenant un koenig LOW-COST! C'est vrai que le monde change!

    Avé Mr L'estompeur d'Orgueil !! Koenig ne vous saluera pas!

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  12. Jamais lu, jamais vendu !!! Je vais évidemment continuer dans ce sens...

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  13. Peut être que finalement le Koenig a tout juste les boules de n'avoir pas vendu son dernier roman. Il est sorti en septembre dernier dans l'indifférence la plus totale. Les chiffres de vente sont catastrophiques. Après vérification il s'est vendu 355 exemplaires de La nuit de la faillite sur Datalib ( outil interprofessionnel qui regroupe 227 librairies dans toute la France).
    Il ne faut pas chercher plus loin la soif de revanche du bougre. Ils n'ont pas su vendre mon livre, faisons disparaître les libraires car ils ne servent à rien !
    Sans commentaire

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  14. Ash / Le Visage vert19 janvier 2014 à 11:52

    À Gaspard qui aime les chiffres, on recommande la lecture du Guardian...
    http://www.theguardian.com/books/2014/jan/17/writers-earn-less-than-600-a-year
    Comment, l'écrivain britannique est aussi pauvre que l'écrivain français ? Diable diable. Il y a quelque chose de pourri au Schumpeterland.

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  15. Ouais mais bon : http://gaspard2012.com/

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  16. Après Gaspard Koenig, j'ai une nouvelle mascotte section "misogyne-réac", au cas où vous n'en n'auriez pas entendu parler (ce qui est peut-être mieux, mais bon) : https://gaeletemmalibraires.wordpress.com/2015/02/01/va-t-on-laisser-lalsace-et-la-lorraine-aux-beaufs/

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