Pourquoi la littérature française se vend-elle mal à l'étranger? Cette grave question, Hugh Schofield, de BBC News, se l'est posée. Il a donc enquêté. Et a demandé leur avis à des écrivains français. Pour Christophe Ono-dit-Biot (prix Renaudot des Lycéens), c'est la faute des agents étrangers. Oui mais pourquoi? Eh bien, on nous considère comme des intellos. Oui mais pourquoi? Eh bien c'est à cause du déconstructionnisme, tout ça, la théorie française s'est bien vendue et du coup on nous juge cérébraux et incapables de pondre des histoires. Pour Marc Levy (26 millions d'exemplaires vendus dans le monde), la cause est définitivement perdue pour les Français, il faut se faire passer pour un auteur espagnol si on veut avoir une chance d'intéresser un éditeur anglo-saxon (lo siento, pero sigo sin entenderlo…). Pour Marie Darieussecq (prix Médicis, traduite dans une trentaine de langues), c'est un grave manque de curiosité, qui s'explique par le fait qu'on nous prend pour des intellos (encore!!!!), alors que
"Nous ne sommes pas intellectuels. Nous ne sommes pas obsédés par les mots. Nous écrivons des romans policiers. Nous écrivons des histoires à suspense. Nous écrivons des histoires d'amour."
Pour David Rey, libraire à Atout-Livre (75012), c'est normal qu'on ne s'exporte pas : "French books are precious, intellectual - elitist." Intellectual? Atchoum! Quant à l'auteur de l'article publié par BBC News, il trouve que nos couvertures ne sont pas très excitantes (il cite en exemple l'austère Carte et le Territoire de Houellebecq – exemple hyper probant). Mais c'est sans doute Douglas Kennedy qui semble avoir trouvé la clé du mystère:
"Le roman français ne s'est jamais remis des expérimentations de l'après-guerre. Si mes livres sont si populaires en France, c'est parce que je combine un style accessible avec des observations sérieuses sur ce qu'on pourrait appeler 'la façon dont nous vivons aujourd'hui'."
Bon, Hugh Schofield devrait sans doute se reconvertir dans l'agro-alimentaire plutôt que de pondre des articles aussi indigents. Mais n'empêche, ça lui permet de soulever quelques pierres. (Du coup, je me demande je ne commets pas une erreur en étant "obsédé par les mots" et si je ne devrais pas "combiner un style accessible avec des observations sérieuses". Peut-être ne me suis-je jamais remis des expérimentations de l'après-guerre?) Prenez le cas de Joel Dicker, tiens. Penguin vient d'acheter pour une somme record les droits de son dernier roman. Dicker n'est pas OPLM (obsédé par les mots), lui non plus, et il fait le maximum pour combiner un SA (style accessible) avec des OS (observations sérieuses), et se fout pas mal des EAG (des expérimentation d'après-guerre). Il n'écrit donc pas des livres PIE (précieux, intellos et élitistes). Tout ça fait réfléchir. Voici donc la magique formule du bonheur que nul n'élude:
(SA + OS) - (OPLM + EAG + PIE ) = € + $ = BINGO
Mais n'est-ce pas ce que nous expliquait en son temps Henry Ford, quand il disait: "Le secret du succès, s'il existe, c'est la faculté de se mettre à la place de l'autre et de considérer les choses de son point de vue autant que du nôtre." Vous pouvez rangez vos affaires, le cours de marketing est fini. (Et en plus je dois retourner écrire des livres obsédés par les mots d'un style inaccessible dénué d'observations sérieuses…)