lundi 2 décembre 2013

Commentaire: Comment taire?

L'inventeur de la notion de filtre n'a pas dû se faire que des amis. Quiconque tient un blog aura pu s'en rendre compte. Car une fonction permet en effet de publier ou non les commentaires dont parfois se fendent les "internautes". Donc, on peut filtrer (ça évite de publier les spams, entre autres). Enfin, moi, je filtre. Ça ne prend pas beaucoup de temps parce que ce blog attire peu les commentaires, ce dont je ne tire ni tristesse ni fierté, sinon le constat suivant: le Clavier Cannibale appelle moins les commentaires que la lecture. Oui, c'est vrai: ici, on n'est pas très porté sur la com'… Alors parfois, je ne publie pas certains commentaires, non parce qu'ils ont un caractère raciste ou insultant, mais parce qu'ils me semblent davantage adressés à moi qu'au blog, et donc me semblent avoir peu de pertinence aux yeux des gens qui lisent ce blog. Ou parce que parfois ils sont confus, ou incohérents, sans intérêt, etc. En outre, j'ai la naïveté de croire que les gens qui vont sur mon blog viennent surtout pour le lire et non pour lire des rares commentaires. Or voilà que récemment je reçois ce commentaire (qui d'ailleurs n'a rien à voir avec le post sur lequel il est publié, mais passons…):
"Je ne pensais pas rencontrer d'administrateur avec des ciseaux dans cette maison que je visite tous les jours. Je n'avais jamais laissé de commentaire avant, mais là, je suis un peu "chiffon" de voir cela. En plus j'avais lu le commentaire avant qu'il ne disparaisse; il semblait plutôt affectueux et taquin.
Je viendrai désormais moins souvent. X [je ne mets pas son vrai nom] (admirateur depuis le début du blog et Cosmoz en livre de chevet). So long!"
Qu'en déduire? Que la hantise de la censure l'a emporté sur l'intérêt porté à mon travail? Voilà qui est certainement révélateur d'un étrange pli pris par les usagers de la blogosphère. Il y a sélection, donc il y a atteinte à la démocratie. Et donc fascisme larvé. Quoi, des ciseaux? Hop, représailles: "je viendrai désormais moins souvent"! Face à ce type de réaction, l'écrivain qui tient un blog n'a plus je crois qu'à se rappeler cette phrase de Thomas Bernhard que nous citions tantôt:
"le public est comme un mur contre lequel je dois me battre."
Il doit surtout se rappeler ceci: son travail ne consiste pas à se faire de nouveaux amis. L'illusion d'une communauté électronique ne doit pas lui faire oublier que son lecteur reste son "lointain", et non son prochain. Désormais, ce blog n'acceptera donc plus aucun commentaire, et espère que cette décision éminemment fasciste lui ôtera les rares lecteurs qui croient qu'un commentaire non publié est une atteinte portée aux droits de l'Homme et la preuve que l'écrivain dont ils appréciaient (à tort?) le travail n'est qu'un "administrateur avec des ciseaux". Je rappellerai également qu'il n'y a pas que les ciseaux qui coupent: eh oui:: le papier, lui aussi, coupe. Il entaille. Et il peut aussi envelopper le caillou et recouvrir le puits. Le danger est partout!

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Photo: © Julia Kennedy