Une chose est sûre, je n'ai pas fini de rire avec Joël Dicker. Je n'avais pas encore eu la curiosité d'aller sur son site officiel (heureusement qu'il n'a pas de site officieux…). La page consacrée à son dernier roman est un petit bijou qu'a dû ciseler une main incapable de rouler un maki saumon avocat, mais bon. Il nous explique comment il fabrique un roman. Merci, Joël, c'est gentil, d'autant plus qu'on n'avait rein demandé. D'abord il y a l'envie "d'écrire une véritable histoire". Ah. Une histoire fausse, c'est vrai, ça craint. Mais ce n'est pas tout. Il faut "arracher le lecteur à son quotidien". Oh. Zut. J'espère que ça ne fait pas trop mal, parce que déjà que le sparadrap… Mais bon, gaffe, "dès le début vient la difficulté du style". Heureusement, Joël a reçu des lettres des lecteurs suite à son précédent opus et maintenant il veut corriger le tir. Il a décidé "d'adopter une écriture propre". What the fuck ? On imagine Dicker faire une demande d'adoption: "Bonjour, je voudrais adopter une écriture, mais propre, parce que si elle fait sous elle, je vais avoir du courrier pas content, vous avez ça en stock?" Bon, coup de bol, notre auteur a pigé un truc essentiel: écrire un roman c'est comme de réaliser un film. En fait, pour lui c'est plutôt comme d'écrire un scénario, mais pas la peine de le perturber avec ce genre de distinguo. Laissons-le à son casting sauvage. Il a dû s'acheter une caravane, si ça se trouve.
Bon, littérature = cinéma. Gare au budget, hein, on a envie de dire. Commençons par "le décor". Ça sera… L'Amérique. Là c'est chiant, parce que comment qu'on fait un roman américain quand c'est qu'on écrit en français? Bof, on va se débrouillasser. Les personnages, en revanche, ça c'est du costaud, surtout qu'une fois créés ces cons prennent leurs aises:
"Vos personnages prennent peu à peu possession de votre livre. Ils deviennent des familiers, des collègues, pour certains des amis. Il y en a que vous aimez bien, d’autres que vous avez plus de peine à supporter."
J'ai du mal à imaginer un de mes personnages sous les traits d'un de mes collègues, ou alors c'est qu'il y a une épidémie intergalactique. Mais bon, je ne connais pas les collègues de Dicker, ils passent peut-être leurs vacances dans des romans pic-pic-colegram. Après il faut l'époque. Vous suivez? Le lieu, les gens, le temps. L'époque, donc. Paf, 2008. Ouf. Parce qu'avec 2007, allez savoir quel livre il aurait écrit, le bougre. Maintenant il faut des références littéraires. Ça tombe bien, notre auteur a:
"deux livres en tête: Des souris et des hommes, de Steinbeck et La ferme des animaux, de Orwell. Ces deux livres résumant, pour moi, ce que devrait être la littérature : la puissance d’une histoire, le souffle d’une épopée, la force d’une introspection et l’intelligence d’une réflexion."
Bon, la vraie raison, ce doit surtout être qu'on les étudie au collège, et que Joël a gardé ses deux fiches de lecture fétiches, mais n'ergotons pas. Notons surtout que ça nous fait pas mal de souris et de cochons, ce qui est un peu gênant peut-être quand on veut avoir une écriture propre. Parce que sinon, puissance + souffle + force + intelligence, ça c'est le vent Bac+2, hein. Et sinon: histoire + épopée + introspection + réflexion, là on va plutôt du côté Robert Hossein, je crois.
Bon, là, on pense que c'est fini, qu'il n'y a plus qu'à écrire le livre. Ben non. Ecrire le livre c'est fastoche. Mais faut encore trouver la couverture. Allez, réfléchissons. Ça se passe aux Etats-Unis en 2008… c'est un polar… y a des personnages… une ambiance… Hopper ! Le coup de génie, quoi. Parce que Goya, on aurait tiqué.
Et voilà, c'est bouclé. Euh, non. Il faut s'occuper du prix. Et oui, l'auteur a son mot à dire sur le prix à payer pour l'acheter (et éventuellement le lire…). Mais là, Großes Problem! Parce que "les livres ne doivent pas coûter trop cher, sinon les gens renoncent à les acheter." Eh oui. L'économie. La pauvreté. La culture. Du coup, paf, 22 euros. Mais pour presque 700 pages. Le lieu commun, faut le savoir, c'est au poids, mais heureusement on solde.
Bon, à ce stade de nanisme mental, on ne sait plus quoi penser. On regrette presque l'ambition hugolienne d'un Bernard Werber ou la verve enid-blytonienne d'un Aurélien Bellanger, c'est pour dire.
Allez, on avoue: on est jaloux. Ça nous fait rêver, tout ça. On en a marre de suer sur Faulkner et Agrippa d'Aubigné. On veut le retour du club des cinq + cinq =… Zut, on ne sait plus compter. Plus conter, même. Arf.
Excellente pinte de rigolade, merci ;-)
RépondreSupprimerUne bonne pinte de rigolade, merci !
RépondreSupprimerVous m'avez bien fait rire et m'avez convaincu de partager votre article.
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