Les légumes, on le sait, cuisent à différentes vitesses, comme si certains accomplissaient leur destin en très peu de temps, alors que d'autres nécessitent une longue accoutumance à la cuisson, ce qui, convenons-en, nous les rend plus familiers encore que des enfants dont nous constatons l'inégale maturation au fil des ans. Mais c'est précisément ces variations dans la reddition qui rendent savoureux leur mijotage collectif, les uns tenant à rester fermes jusqu'au bout comme s'il en allait de leur intégrité, tandis que leurs voisins, ayant succombé aux charmes du suc, ont exulté depuis belle lurette. On n'hésitera donc pas à mettre dans le même plat un gros fenouil émincé, cinq ou six oignons nouveau dont on aura la clémence de ne point trop raccourcir la verte traîne et qu'on prendra soin de fendre très légèrement dans leur fibreuse longitudinalité, quelques roseval ou vitelottes coupés en six ou sept (mais il est toujours plus compliqué de traquer l'impair chez le légume), deux carottes auxquelles on aura appris à danser finement la julienne, une vingtaine de tomates cerises (qu'on laissera intactes), puis on fera bruiner sur cette bigarrée confrérie un gras soupçon d'huile d'olive verte, une belle giclée de sauce de soja, on saupoudrera généreusement tout ce petit monde d'herbes diverses (séchées, de préférence: basilic, origan, une once de whatever), on y adjoindra itou quelques grains concassés de poivre de sechuan et deux gousses d'ail réduites à leur plus subtile expression, puis on enfournera à four chaud le temps qu'il faut. Un brave carré d'agneau, frotté de gros sel et huilé mais à peine, arrosé comme il se doit d'un rivelet de confiture de vin, devrait permettre des noces fort alléchantes (voyez comme on cause: le fourneau nous rend précieux). Pour le vin, on vous conseille un patrimonio ou un vacqueyras. Si tous ces ingrédients ne figurent point dans votre frigo, et s'il est trop tard pour descendre les acquérir, couchez-vous sous la couette et lisez Les épinards crus, d'Anne Luthaud (éd. Buchet Chastel), vous n'y perdrez pas au change.
(joie)
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