C'est un poète flamand majeur, un écrivain redoutable que nous font découvrir les éditions Les Petits Matins, dans la toujours stimulante collection Les Grands Soirs, dirigée par Jérôme Mauche. Il s'appelle Dirk van Bastelaere et le recueil publié, dans une traduction époustouflante de Daniel Cumin, s'intitule Splash – il regroupe des textes publiés entre 1994 et 2006, regroupement opéré par l'auteur lui-même. Héritier de John Ashbury, lecteur de Lacan et de Derrida, Dirk van Bastelaere écrit une poésie éclatée mais pas dispersée, d'une redoutable intelligence, qui tantôt pille les artefacts du réel avec décontraction, tantôt essore ce qu'il reste d'organes dans l'humain. Logophage, le texte décale sans cesse l'approche poétique, piquant des sprints dans le récit, chromomaniaque, drôle, d'une souplesse libératoire. Qu'il dise l'absence dans la présence ("Là où je me tiens, il manque / une prairie de fleurs, même si je suis au milieu / d'une prairie de fleurs roussies […]"), réinvente l'Amérique, conçoive le blason unique du cœur ("cœur pastiche, cœur prothèse"), déchiquète l'écran des block-busters américains ("Admettons: on peut sacrifier / le tailleur de madame un brushing / un Japonais pour Jouir de // l'action"), ou révèle la catastrophe du corps:
la machine furieuse et hyper consciente du texte balestaerien accomplit sa tâche: "concevoir en termes métaphoriques afin de prouver [le] sens figuré" — ou, comme il le dit plus loin:
Evitant l'incantatoire, le lyrique, le lisse, prompt à faire disjoncter la syntaxe dès que s'articule trop le discours, toujours en mouvement, réglant ses comptes d'amour-haine avec le symbolique, le poème selon van Bastelaere se trasngresse lui-même dans une course-poursuite jubilatoire avec le décor des choses et la forêt des corps. Post-moderne? Réponse : "Le lac se ride. Le lac est égal." On vous l'avait dit: Splash!
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Dirk van Bastelaere, Splash! traduit par Daniel Cunin, éditions Les Petits Matins, coll. Les Grands Soirs, 12 euros
(Photo de l'auteur par Krystof Ghyselinck, 2005)
Une maladie faite de chair, voilà ce que tu es.
Un bâillon putride dans sa bouche.
La merde des tripes
d'une espèce qui, à défaut d'autre chose,
bouffe la merde de ses propres tripes,
la machine furieuse et hyper consciente du texte balestaerien accomplit sa tâche: "concevoir en termes métaphoriques afin de prouver [le] sens figuré" — ou, comme il le dit plus loin:
Réservoir de chasse d'eau pour les émotions,
ce qui nous meut, que ne puis-je t'incorporer
dans la rhétorique
de ce qui précède, mais ce qui précède
l'a déjà fait, sous forme rhétorique,
et m'a en tant que tel incorporé, si bien que
je m'adresse à moi-même, depuis le révolu en toi
qui me réinvente en ce que tu me fais
Evitant l'incantatoire, le lyrique, le lisse, prompt à faire disjoncter la syntaxe dès que s'articule trop le discours, toujours en mouvement, réglant ses comptes d'amour-haine avec le symbolique, le poème selon van Bastelaere se trasngresse lui-même dans une course-poursuite jubilatoire avec le décor des choses et la forêt des corps. Post-moderne? Réponse : "Le lac se ride. Le lac est égal." On vous l'avait dit: Splash!
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Dirk van Bastelaere, Splash! traduit par Daniel Cunin, éditions Les Petits Matins, coll. Les Grands Soirs, 12 euros
(Photo de l'auteur par Krystof Ghyselinck, 2005)
à signaler, l'excellent blog que tient le traducteur Daniel Cunin, consacré à la littérature néerlandaise :
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