vendredi 12 décembre 2014

Le Clavier Cannibale: bilan et perspective – une diachronie nécessaire, with a touch of ragondin

Oups, j'allais partir sans faire de bilan. Vous le savez, en fin d'année, les blogs et autres supports de la parole libérée (lol) aiment s'adonner au jeu du bilan. Ou le font en début d'année, selon l'énergie de leur propriétaire. Bref, on dresse des listes, on concocte des palmarès, on rappelle les faits marquants.

Le Clavier Cannibale est évidemment très tenté de se livrer à ce rituel, ne serait-ce que pour le plaisir de se livrer à un rituel. Que s'est-il passé en 2014 de notable? Dans le monde des lettres, bien sûr, pas au niveau politique, même si on sait désormais grâce à Sarkozy que donner des conférences au Qatar peut rapporter gros. Non, dans le monde des lettres. Ah —  enfin une bonne nouvelle : Eric Reinhardt a eu le prix France Télévision. Depuis le temps qu'il courait après les prix… A la fois, un prix littéraire comportant les mots "télévision" et "France", comment dire… Bref, on espère qu'il est content. Arf.

Quoi d'autre de mémorable depuis septembre ? Une maison d'édition baptisé l'Ogre s'est créée, qui va rééditer l'immense Max Blecher début janvier. On dit bravo. Ismaël Jude a publié son premier roman, et c'est un livre qui parle véritablement de sexe de façon véritablement transgressive – lisez donc si ce n'est pas fait Dancing with myself. Laure des Accords a publié aussi un premier roman, L'envoleuse, qui est juste une merveille, et c'est chez Verdier puisque vous me le demandez. Et oui c'est ma sœur. Autre événement paraît-il notable: Modiano a eu le Nobel, mais bon, relisez deux pages de Claude Simon et on parlera littérature après si vous le voulez bien. 

Ce blog a causé (en bien, en très grand bien) des écrivains suivants (depuis septembre, hein, je ne vous fais pas le bilan santé de l'année, ça serait trop long): G. Mar, Ismaël Jude, Max Blecher, Huysmans, Hermann Broch, Egon Bondy, Danielewski, Alessandro Mercuri, Frigyes Karinthy, Philippe Annocque, Bernard Simeone, Olivia Rosenthal, Isaac Babel, Eric Chevillard (que personne ne lit, dixi Bergé), Antoine Volodine (que personne ne lit, dixit Jérôme Garcin), Pierre Bourgeade, Yann Legendre (que personne ne lit non plus mais là c'est normal puisqu'il est graphiste), Antoine Boute, Chalamov, Jurgenson, Tavarès, Guy Robert, Paul Harding, Pierre Demarty, William Gass, Jouannais… J'en oublie, c'est évident, mais tout est en ligne, vous compléterez vous-même.

Le Clavier Cannibale a parlé conséquemment des éditeurs suivants, qu'on salue bien bas : le grand os, quidam, verticales, l'ogre, l'arbre vengeur, la contre allée, verdier, le bruit du temps, textuel… Que ceux que j'oublie, et ils sont nombreux, me lynchent (mais n'hésitez pas à m'envoyez des SP, please, parce que je suis en train d'exploser mon budget livres…).

Le Clavier Cannibale a beaucoup ricané en lisant les auteurs suivants, ou en découvrant leurs exploits faramineux dans la presse, et leur décerne à chacun le Bidet d'Or 2014: Yves Bergé, BHL, Houellebecq, Foenkinos, Alexandre Jardin, Zemmour, Beigbeder, Alexandre Jardin… J'en oublie là aussi, mais c'est tant pis pour eux.

Et pour finir, voici les livres que le Clavier Cannibale a en pile sur sa table de lecture et qu'il emporte à la campagne, histoire de ne pas faire que cuisiner, traduire, écrire et soulever des haltères (et jouer au billard, et remplir le poêle de granules, et déguster des bourgogne millésimés) :

Sylvain Coher, Nord nord ouest (Actes Sud); Boll, L'affaire est dans le sac en papier (Le tripode); Antoine Brea, Simon le mage (le grand os); François Bon, Fragments du dedans (Grasset); Isaac Babel, Œuvre complètes (le bruit du temps); Philippe Beck, Opéradiques (Flammarion); John Stoltenberg, Refuser d'être un homme (Syllepse); Christophe Macquet, Cri & Co (le grand os); Jana Cerna, Vie de Milena (la contre allée); Christophe Tarkos, L'enregistré (POL); CAConrad, Ecodeviance (Wave Vooks); Franck Guyon, Chez (éd. marguerite waknine); Hermann Broch, Théorie de la folie des masses (l'éclat); Vilém Flusser, Les gestes (al dante); French Global (Garnier)…

Bref, que vous soyez lecteur, libraire, éditeur, auteur, attaché(e) de presse, directeur de collection ou même proxénète repenti, réparateur d'artichaut, tripoteur de galaxie, singe nyctalope, lancier du Bengale, fleur de nave, rustre dandy, ogre patenté, tiers exclu, petite musique de nuit, vibromasseur fluorescent (piles fournies), reître, mulot, surmulot, cuisinier, pornographe en noir et blanc, ormeau de taille raisonnable, cunnilincteur désintéressé, vendeur à la sauvette, contre la manif pour tous, allergique à Stendhal, trépasseur intermittent, disponible, bleu, rentier amnésique, etc., n'hésitez pas à m'envoyer vos suggestions de lecture (ou carrément des livres). Et surtout – SURTOUT ! –  n'oubliez pas de faire l'amour (beaucoup), la grève (souvent) et la cuisine (tout le temps), y a rien de mieux. 

— Claro

3 commentaires:

  1. en tant qu'ancien réparateur d'artichaut, et maintenant singe lancier du Bengale (en fait lanceur d'ormeaux à la sauvette, dans les foires et salons) je en saurais recommander le

    "Franziska Linkerhand" de Brigitte Reimann (De l'intérieur Editeur)
    un gros pavé de 758 pages (mais très digest) par cette auteur de l'ancienne RDA, qu'elle a mis 10 ans a écrire avant de mourir en 73 (roman inachevé) (traduit par Bruno Meuri et Claire Mercier).

    une enfance qui commence tout de suite après la fin de la guerre sur les bords de l'Elbe, puis déstructuration de la famille avec la montée du socialisme dans la RDA qui se cherche.
    le tout dans une ville qu'on devine en Prusse orientale (tout en haut à droite), et au milieu de nulle part : Neustadt (ville nouvelle).
    la condition des femmes (libérées ???) FL est elle même divorcée, après un mariage raté, parmi un monde d'hommes (les constructeurs de la ville nouvelle), étonnamment petits-bourgeois dans une "démocratie" qui se cherche, (et qui a du mal à se trouver) dans ces nouvelles conditions socio-économiques...

    on est frappé dès les premières pages par le style, les changements de point de vue (et par le changement de sujet ou de narrateur au milieu de paragraphes), du grand style.

    (cela me fait penser au "Personae" de Sergio de la Pava - autre petit bouquin à lire quoique non encore traduit (U Chicago Press))

    en attendant les fètes et la dinde qui va avec (a midi j'ai même vu, dans un restaurant tripier) un couple déjeuner au foie gras avec du coca..... on a atteint le fond, et ils creusent encore.

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    1. en tant qu'ancien réparateur d'artichaut, et maintenant singe lancier du Bengale (en fait lanceur d'ormeaux à la sauvette, dans les foires et salons) je en saurais recommander le
      [votre formulation est pour le moins ambiguë : voulez-vous écrire "je ne saurais recommander le" ou "je ne saurais assez (ou que) recommander le..." Ce qui change du tout au tout.]

      "Franziska Linkerhand" de Brigitte Reimann (De l'intérieur Editeur) [rectifions tout de même, pour le cas où quelqu'un serait tenté de le lire - De l'incidence éditeur]
      un gros pavé de 758 pages (mais très digest) [ici encore, vous êtes ambigu : s'il est digeste, ce que je pense, c'est qu'il s'agit ici de vraie littérature ; mais s'il est digest, ne songez-vous pas qu'il faudrait mieux le laisser aux Reader's] par cette auteur de l'ancienne RDA, qu'elle a mis 10 ans a écrire avant de mourir en 73 (roman inachevé) (traduit par Bruno Meuri [Meur est plus exactement son nom] et Claire Mercier).

      une enfance qui commence tout de suite après la fin de la guerre sur les bords de l'Elbe, puis déstructuration de la famille avec la montée du socialisme dans la RDA qui se cherche.
      le tout dans une ville qu'on devine en Prusse orientale (tout en haut à droite) [pourquoi deviner quand le texte est aussi explicite par endroits : cette ville nouvelle est située en Lusace, donc dans la partie sud-est de l'ancienne RDA, à l'ouest de la Pologne et au nord de la Tchécoslovaquie - rien à voir avec la Prusse orientale qui était partagée à l'époque (et l'est toujours) entre la Pologne et partiellement l'Union soviétique (Kaliningrad)] et au milieu de nulle part : Neustadt (ville nouvelle).
      la condition des femmes (libérées ???) FL est elle même divorcée, après un mariage raté, parmi un monde d'hommes (les constructeurs de la ville nouvelle), étonnamment petits-bourgeois dans une "démocratie" qui se cherche, (et qui a du mal à se trouver) dans ces nouvelles conditions socio-économiques...

      on est frappé dès les premières pages par le style, les changements de point de vue (et par le changement de sujet ou de narrateur au milieu de paragraphes), du grand style. [sur cette phrase et votre dernière appréciation, je ne peux que vous rejoindre]

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  2. Mais il est pénible, ce JL !!!

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