Bernard Simeone, disparu en
2001, était traducteur et poète. Traducteur de l’italien, en particulier de
Giorgo Caproni, Mario Luzi et Franco Fortini, mais aussi Sandro Penna, Umberto
Saba. Il avait également fondé la collection de littérature italienne « Terra
d’altri » chez Verdier.
Les éditions Verdier ont décidé de lui rendre hommage en cette
rentrée avec un court recueil de textes dans lesquels Simeone exprime entre
autres ses vues sur les liens entre écriture et traduction. La pensée de Simeone, exigeante,
vibrante, audacieuse, cherche à redéfinir le lien qui unit écriture et
traduction. S’interrogeant tout d’abord sur l’écriture, qu’il oppose à la
communication, il s’efforce de redéfinir en elle la notion complexe de transmission, qui
supposerait deux éléments : fidélité et devoir. Pour Simeone,
« Si fidélité il y a dans l’écriture, c’est envers une polysémie essentielle, pour ne pas dire une ambigüité. »
On devine déjà comment cette
intuition va lui permettre d'aborder les arcanes de la traduction. Car si
écrire c’est s’aventurer dans le presque indécidable, alors traduire vient
redoubler ce geste éminemment risqué :
« […] traduire c’est affronter, tout autant que le texte original et de façon plus taraudante, les spires, abîmes et silences de sa propre langue, en une expérience dont l’intensité et la légitimité n’entretiennent pas une relation hiérarchique avec celles de l’écriture première. »
Toute la pensée de Simeone est
là, dans cette conviction que la traduction permet une relance des dés, une
réactivation des tremblements. Il le dit très clairement quelques pages plus
loin, d’ailleurs :
« Ce qui est transmis, ce n’est pas un état préalable et défini du texte originel, mais sa vertu exploratrice […]. »
Quiconque s’intéresse à la
traduction (et à son double, l’écriture) ne pourra qu’être conquis et passionné
par cet ensemble de neuf textes, où Simeone réfléchit en écrivain et en
poète à son travail, et entre
autre à la notion floue d’original qu’il conçoit comme une forme instable – c’est
là sans doute une de ses intuitions les plus profondes, les plus troublantes :
« […] l’original […] devient une présence magmatique, en quête de solutions formelles inédites […]. »
Après la récente parution du
texte de Luba Jurgenson dont on a déjà parlé ici, voici une nouvelle pierre
apportée par les éditions Verdier à l’exploration du continent traduction. A
signaler en outre la publication du deuxième volume de l’Histoire des traductions en
langue française coordonnée par Yves Chevrel et Jean-Yves Masson, lequel
traite cette fois-ci des traductions réalisées entre 1610 et 1815. On vous en parlera
très certainement…
De très intéressantes considérations sur la traduction de la part de Souleymane Bachir Diagne, professeur de langue française à Columbia University, dans les Nouveaux Chemins de la Connaissance. Il cite entre autre Goethe : on ne comprend bien sa propre langue qu'à partir du moment où l'on en parle une autre.
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