J'ai déjà dit quelque part combien l'éditeur Denis Roche avait compté dans mon parcours. S'il est quelqu'un d'autre à qui je dois les conditions de mon élan, c'est bien Marc Chénetier. Je me souviens très bien de mon enthousiasme naissant pour la traduction à la fin des années 80, enthousiasme aussi inconscient qu'immature. J'étais allé assister à la remise d'un prix Coindreau afin de faire la connaissance de cet américaniste et traducteur hors pair qu'est Marc Chénetier. Je lirai, quelques années plus tard, son livre, Au-delà du soupçon, le noircissant de notes, relevant consciencieusement les titres de ces livres censément intraduits, intraduisables, intraduisibles, bref, dont l'édition d'alors ne voulait pas vraiment. J'avais donc abordé Marc, espérant glaner des conseils. Le "capitaine" Chénetier m'avait gentiment écouté puis, au fil des mois, mis au défi, presque tacitement, de donner une chance à ces textes dont il vantait les charmes vénéneux. Je m'étais, naïvement, concocté une magic list : The age of wire and string de Ben Marcus, The Sot-Weed Factor de John Barth, Gass et son mythique Tunnel en cours d'écriture, etc., persuadé que rien n'était impossible puisqu'un gladiateur comme Chénetier portait ces textes hors normes dans son cœur infatigable.
Car Chénetier, en plus d'être traducteur (Charyn, Russsell Banks, Willa Cather, Denis Johnson, Steven Millhauser, William Gass, Alexander Theroux, Richard Brautigan, Vachel Lindsay…), a fondé l'Observatoire de la Littéraire Américaine, aidé de nombreux traducteurs à trouver leur voie, enseigné, voyagé, endossé le rôle de Charles V et de Denis Diderot au sein de l'université, défriché, raboté, tancé les loups… C'est lui qui, demain, remettra le prix Coindreau à Nicolas Richard, en digne passeur de juin.
Car Chénetier, en plus d'être traducteur (Charyn, Russsell Banks, Willa Cather, Denis Johnson, Steven Millhauser, William Gass, Alexander Theroux, Richard Brautigan, Vachel Lindsay…), a fondé l'Observatoire de la Littéraire Américaine, aidé de nombreux traducteurs à trouver leur voie, enseigné, voyagé, endossé le rôle de Charles V et de Denis Diderot au sein de l'université, défriché, raboté, tancé les loups… C'est lui qui, demain, remettra le prix Coindreau à Nicolas Richard, en digne passeur de juin.
Depuis plus de vingt ans, chemin faisant, hasard aidant, bonheur insistant, j'ai essayé de défricher les terra incognita explorées par le Capitaine Chénetier, figure indispensable à qui veut tâter un jour de l'amour translaté.
Il est des hommes qui, sans paver quoi que soit (leur pas est trop leste), et sans jamais se prendre pour des directeurs de conscience (leurs ironies sont trop mobiles), font de notre route une piste d'où il est, même maladroitement, mais toujours joyeusement, possible de décoller. Grâce à eux, on peut – juste – devenir.
Marc Chénetier, je l'ai connu comme professeur d'anglais en licence et maîtrise à Orléans, dans une fac aux locaux provisoirement préfabriqués qui durèrent éternellement pendant mon bref cursus.
RépondreSupprimerL'année de maîtrise, je l'ai faite uniquement pour Chénetier. Rien ni personne d'autre ne me retenait dans ces baraques de chantier. Car non seulement Marc Chénetier est un traducteur et « passeur » de traduction comme on en voit peu, mais en plus il fut pour moi le meilleur et le plus extraordinaire de tous les profs d'anglais : celui qui me donna la « fibre » – cet élément à corps non fibreux dont une tentative de description excéderait le quota de pixels qui m'est ici imparti.