mardi 19 février 2013

Passion dans la brousse

On ignore qui a eu le premier l'idée d'associer l'adjectif "velouté" à une soupe, au point d'en faire un substantif autonome, mais ladite personne fit preuve à cet égard d'un sens de la comparaison approchant la perfection. Bien sûr, quiconque a essayé un jour de mâchouiller une étoffe en velours pourra émettre quelque objection, mais la question n'est pas là. Non, la question est: comment obtenir du liquide qu'il se veloute? (Je ne désespère pas de relancer la mode du verbe "velouter", qui paraît-il existe.) On a tenté l'expérience hier soir avec un succès qui, dans un monde idéal, aurait dû faire la une du magazine Saveurs. Au départ, pourtant, rien que du banal: quelques poireaux tranchés avec une partie du vert (ne pas gaspiller), quatre ou cinq patates qui commençaient à vous regarder (entendez par là que des "yeux" leur poussaient, preuve que la lune fait germer les légumes qui osent lui ressembler, même grossièrement), deux branches de céleri qu'on s'est empêché de croquer crues (une vague rumeur de vertu aphrodisiaque…), et deux courgettes qui pensaient naïvement finir en gratin. Le tout a rissolé brièvement dans de l'huile d'olive, précédé par un oignon finement haché, avant qu'une cascade de bouillon ne vienne noyer ce verdoyant amalgame, à laquelle on a adjoint quelques grains de poivre du Népal (cadeau de Maylis de Kérangal – merci Maylis!). La cuisson, réglée à feu réduit, comme si la chaleur avait devoir de discrétion, a réconcilié tout ce petit monde légumineux. Mais après, ainsi va la vie, il a fallu mixer, en impitoyable DJ potager. Là, l'heure fatale du veloutage approchant, on a hésité. Le populaire carré frais Gervais? L'élégante ricotta? La classique crème fraîche? Du lait de pis? De la fluide fleurette? Du beurre bien baratté? Que nenni. On a jeté sans sourciller son dévolu sur deux cent trente-trois grammes de brocciu, lesquels ont sombré dans la soupe épaisse tel un iceberg consentant. Le mixer a vrombi, à la fois juge et complice, les molécules ont dansé, le parfum s'est emballé. Puis la cuiller a fait son office, invitant au palais aguiché le très attendu et vert velours. Pendant ce temps, à la télé, une fringante Catherine Deneuve en survête s'extasiait devant deux lapins en train de niquer. Potiche passait. Ozon jouait aussi sur du velours.

1 commentaire:

  1. J'avais fébrilement feuilleté un "Passions au harem" dans mon adolescence.

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