On évoquait ici l'autre jour Marc Leidner, mais on avait oublié de signaler qu'en plus du recueil mentionné – Beauty Was the Case that They Gave Me –, Leidner s'est fendu d'un petit opus d'aphorismes; The angel in the dream of our hangover (Sator Press, 2011). Bon, l'aphorisme, c'est de la dentelle qui se déchire quand on la mâche trop vite, c'est de la toile d'araignée servant à lancer des poids en plomb, ça dépend du moment, aussi, ça peut ravir ou agacer, lasser ou transporter, c'est une perle planqué parmi des pourceaux et parfois déguisée en œil de truie, on ne sait plus, ça fricote avec le récit, ça chipe des idées aux éclairs, c'est long et c'est court, intense et flexible, parfois c'est un cure-dent d'une redoutable efficacité, parfois juste le minuscule morceau que vous délogez avec et qui était, mais trop tard, vous l'avez jeté, en or. Ça se lit à la becquée, par pincée, d'un air sceptique et enjoué, même si on ne peut s'empêcher de les avaler comme des bonbons, jusqu'à épuisement du suc. En voici donc quelques-uns signés Marc Leidner, plutôt décalés, car, comme le précise l'auteur, "wit is the bastard of wisdom and vanity" – le trait d'esprit est le bâtard de la sagesse et de la vanité:
Quand des choses compliquées se combinent pour former quelque chose de complexe, il n'y a pas de mystère.
Il voulait être un super-héros, du coup il a emménagé à Brooklyn et il est devenu invisible.
Dieu est un bon humoriste, mais il ne connaît qu'une blague et elle dure vingt-quatre heures.
Le propos de l'aphorisme n'est pas d'illustrer une pensée profonde ou belle, mais d'épargner à l'aphoriste l'horreur d'un silence équivoque.
L'art est le préservatif du sens; accomplissez les mêmes actes sans lui, et les religions naissent.
On ne peut pas lutter contre l'inondation en donnant des coups dans l'eau, mais c'est ce que fait la poésie.
Le rythme est le braille de la raison.
La montagne croit qu'elle a quitté la terre.
C'est tout pour ce soir. Demain, on fera un petit saut du côté de autres poètes singuliers, Ben Mirov et CaConrad. Parce que vous le valez bien.
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On peut aussi aller là lire d'autres aphorismes de Leidner combinés à des photos de Ken Baumann
C'est toujours émouvant d'assister à la naissance d'une nouvelle balise. Sator arepo tenet opera rotaS est particulièrement mignonne. Longue vie!
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